Médias 

Paralysé par l’abandon de son projet de fusion avec TF1, le groupe M6 verra son sort scellé dans les prochains jours. Son actionnaire doit choisir entre trois offres voire renoncer à son projet de vente. 

Paralysé par la rupture de ses fiançailles avec TF1, le groupe M6 verra son sort scellé dans les prochains jours. Son actionnaire doit choisir entre trois nouveaux repreneurs aux intérêts complexes voire renoncer à son projet de vente. Les enchères montent et le suspense est à son comble depuis le dépôt il y a une semaine de trois offres pour acquérir les 48,3% détenus par l'Allemand Bertelsmann dans le groupe M6 (détenteur des chaînes M6, W9, 6ter, Gulli et Paris Première ainsi que des radios RTL, RTL2 et Fun Radio). Selon des sources concordantes, ces mêmes candidats ont tous abattu une nouvelle carte jeudi 29 septembre en s'engageant juridiquement. « Dans les prochaines 48 heures, Bertelsmann décidera soit d'arrêter le processus, soit d'accepter une des offres », a expliqué vendredi 30 septembre à l'AFP l'entourage d'un des repreneurs. Le lauréat sera ensuite annoncé officiellement sous 5 à 10 jours.  

Mais en raison d'un calendrier contraint et des enjeux de concurrence soulevés par l'opération, « ça ne m'étonnerait pas que l'opération ne se fasse pas », estime désormais l'expert des médias Philippe Bailly. Deux offres se distinguent. La première, qui valorise la participation de Bertelsmann dans M6 autour de 1,2 milliard d'euros, provient du groupe coté de production audiovisuelle et de paris sportifs contrôlé par le Français Stéphane Courbit, associé notamment pour l'occasion à Rodolphe Saadé, le patron du géant du transport maritime CMA-CGM. Problème : le regroupement du groupe M6 avec Banijay, numéro un mondial de la production indépendante de programmes audiovisuels (dont les divertissements Koh-Lanta et MasterChef ou les séries Peaky Blinders et Black Mirror) est susceptible en France de faire monter au créneau les professionnels du secteur. Une seconde proposition est signée du milliardaire Xavier Niel (groupe Iliad), présent à la fois dans la production via le groupe Mediawan et la distribution de contenus via l'opérateur Free. L'homme d'affaires s'est associé pour l'occasion avec la famille Berlusconi, qui contrôle le groupe MediaForEurope (ex-Mediaset).  

Intérêts complexes 

« Ce n'est pas sûr que ce soit la meilleure vitrine », grince une source proche du dossier à propos de cette alliance « baroque » avec l'ex-dirigeant italien, lié à l'extrême-droite au pouvoir et mêlé au fiasco de la chaîne la Cinq en France dans les années 1990. Dans sa nouvelle offre, Xavier Niel donne des gages en se présentant comme « clairement majoritaire » au capital de la structure qui posséderait M6 et en proposant une « charte d'indépendance au niveau de la rédaction », selon une source. « Mais est-ce que Bertelsmann va vendre à celui qui lui a savonné la planche pendant un an et demi ? », s'interroge un acteur du secteur, en référence aux procédures judiciaires intentées par Xavier Niel pour faire échouer la fusion TF1-M6. La troisième offre est signée du Tchèque Daniel Kretinsky, propriétaire du groupe de presse CMI France (Elle, Marianne, Femme Actuelle), et également actionnaire du Monde et de TF1. Plus simple sur le plan concurrentiel, elle serait aussi la moins-disante, selon plusieurs sources.  

Pour trancher, Bertelsmann doit tenir compte des avertissements lancés la semaine passée par les autorités chargées d'autoriser l'opération. Selon le président de l'Autorité de la concurrence Benoît Coeuré, « la logique voudrait que cette opération soit examinée par la Commission européenne », gardienne de la concurrence dans l'UE, en raison de la taille des acteurs impliqués. Or, « si c'est Bruxelles qui s'en occupe, ils sont morts. C'est beaucoup plus long, beaucoup plus lourd », tranche un bon connaisseur du secteur. « Le calendrier est plus qu'ultra serré », a également reconnu Roch-Olivier Maistre, président de l'Autorité de la communication audiovisuelle (Arcom), interrogé par des sénateurs. En cas de cession, l'institution devra donner son agrément à un changement de contrôle, puis autoriser le renouvellement de l'autorisation de diffusion de M6 sur la TNT, qui arrive à échéance le 5 mai 2023. Après cette date, tout changement de contrôle de la chaîne est interdit par la loi pendant cinq ans. « On a un peu le sentiment que les autorités disent qu'elles n'arriveront pas à traiter le dossier dans les temps », estime un fin connaisseur du dossier. 

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