Fary, get up, stand-up

Fary, vrai modeste ou expert dans l'art d’entretenir l'éclat de son nom ? « Je suis connu d’un certain milieu mais je ne pense pas être un artiste populaire », commence-t-il. Avant d'ajouter : « C’est plus simple pour mon entourage que pour moi d’avoir conscience de mon succès. » Pourtant, à seulement 30 ans, Fary s’est déjà fait tirer le portrait par les plus grands de la presse française, ses spectacles se sont joués plusieurs fois à guichets fermés et sont même disponibles sur Netflix. En 2019, il ouvre son propre comedy club, Madame Sarfati, en collaboration avec l’artiste JR. 

Oscillant entre le besoin de justice sociale et la soif de reconnaissance, il exerce son métier de « stand-upper » pour défendre des idées, tout en avouant son amour pour la lumière. « En classe, j’étais jaloux du mec qui faisait rire tout le monde. Moi je faisais rire un peu malgré moi, j’étais sarcastique, pince-sans-rire. Quand j’étais petit à table et que je disais à ma mère “Maman j’ai mal à la tête”, elle savait que j’avais envie de parler, que je voulais attirer l’attention. » C’est à Saint-Maur-des-Fossés, commune du Val-de-Marne enclavée entre Champigny et La Varenne, que Fary a grandi dans un studio à cinq avec sa mère et ses frères. Malgré son environnement modeste, la matriarche lui a donné toutes les cartes en main pour qu'il puisse faire ce qu’il voulait de sa vie, le protégeant d’un certain déterminisme social. 

Le militantisme, Fary le revendique dans son métier pour défendre cette catégorie d'humour stigmatisée par les pros qu'est le stand-up. Mais aussi pour des combats en lien avec l’identité, la négritude, la vie en banlieue et la condition sociale qui y est attachée. À l’instar de sa figure de proue, le rappeur Kery James. Des thématiques largement évoquées dans ses deux spectacles Fary is the New Black et Hexagone. «Les gens pensent que c’est un fond de commerce, une posture à la mode. Mais je suis droit dans mes baskets. Quand j’avais 15-16 ans, je réalisais mon tout premier spectacle qui se terminait par une chanson avec ces paroles : “J’ai fait un rêve que j’appartenais à une race, qui n’avait pas sa place”.» 

Entre ombre et lumière

Sur scène, l’artiste est animé par un sentiment d'injustice qui le conduit à endosser le rôle de porte-étendard des opprimés. Son premier spectacle, il l’a écrit avec son ami et également star du stand-up Jason Brokerss. En 2013, Fary lui propose de coécrire leurs spectacles, signant le début d’une longue amitié. De lui, Fary attend un rire comme signe de validation. «Fary se remet constamment en question. C’est nécessaire dans notre métier, en témoigne sa constante progression. Il me fait confiance car je suis sincère et j’ai affuté mon œil de professionnel. Et puis on partage les mêmes valeurs. C’est lui qui m’a transmis l’amour du stand-up», témoigne Jason Brokerss, en représentation à La Scala. Et quand il n’est pas sur scène ou avec ses amis, Fary se met en position d’observateur. «Je ne suis pas trop blagueur dans la vie de tous les jours. Quand je suis à un dîner où je ne connais personne, je vais être le mec le plus discret du monde, au risque de paraitre hautain. Pour que je sois drôle, il faut vraiment que je sois en confiance et c’est rare», s’auto-analyse l’humoriste. 

Préférant rester dans l’ombre plutôt que d’attirer le regard, mal à l’aise sur un plateau télé, pas du tout influenceur sur les réseaux sociaux, l'homme condamne cette nouvelle injonction à la transparence. «Je ne supporte pas qu’on puisse juger ce que je fais. La pression des objectifs de vues, de likes, d’engagements… c’est pesant pour un artiste. Les gens veulent voir ta vie, comment tu es habillé, avec qui tu traines… Si je prends des photos, c’est pour les envoyer à ma mère ou à ma copine», dit l’artiste. 

Pour cet être social, le confinement a été très dur à vivre. Au point qu’il ne ressent plus l’envie de remonter sur scène. Du moins pour l’instant. «Je suis un fou amoureux du stand-up et quand on te retire ce que tu aimes faire le plus au monde, les séquelles psychologiques sont assez lourdes. J’étais déjà dans une période de doute à la sortie de mon Netflix et le covid n’a rien arrangé. Il faut retrouver la magie...» Conscient de sa situation privilégiée par rapport à d’autres, il ne reste pas non plus désœuvré. Il a plusieurs projets en préparation mais assure qu’aucun n’aura de lien direct avec la scène, ni avec le cinéma. «J’ai une âme d’entrepreneur», martèle-t-il à plusieurs reprises lors de son entretien avec Stratégies. Peut-être une nouvelle manière de se faire entendre.