Alex Green, le patron sport d’Amazon Prime Video pour l’Europe, devait exulter le 13 juin, devant la finale messieurs de Roland Garros. Au terme de deux semaines de couverture du tournoi de tennis, une première pour le géant du e-commerce, la plateforme de streaming par abonnement a décroché deux jours plus tôt l’essentiel des droits de la Ligue 1, à savoir les huit matchs par journée de championnat attribués en 2018, pour 780 millions d’euros, à Mediapro, qui a entretemps déserté le marché français. Coût pour Amazon : 250 millions d’euros par saison sur trois ans, plus 9 millions d’euros pour huit affiches de Ligue 2.
Une première pour Amazon
« Amazon a senti le bon coup à jouer, estime Christophe Lepetit, responsable des études économiques au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges. Jusque-là, il se positionnait davantage sur des lots événementiels faciles à marketer, comme les matchs du Boxing Day de la Premier League au Royaume-Uni ou ceux du jeudi soir de la NFL aux Etats-Unis. C’est la première fois qu’il investit sur de tels volumes de matchs. » Pour ceux de la NFL, Amazon n'a pas hésité à débourser 1 milliard de dollars par an pour la période 2023-2033.
En France, la plateforme a profité de la défaillance de Mediapro. « Le foot français continue de cultiver ses maladies. A chaque fois, la ligue cherche un nouvel acteur pour faire monter les droits », estime Philippe Bailly, président de NPA Conseil. C’est aujourd’hui Amazon, à qui l’on prête depuis plusieurs années des ambitions en France. Après Roland Garros, il avait d’ailleurs répondu à l’appel d’offres flash lancé en février 2021 par la Ligue de football professionnel (LFP).
« Erreur stratégique »
En refusant de revoir à la hausse son offre pour remporter les matchs de Mediapro, Canal+ a fait « une erreur stratégique », selon Vincent Chaudel, président de l'Observatoire du sport business. « Canal+ n’a pas perdu face à un semblable mais face à un nouvel entrant, qui n’a pas l’obligation d’atteindre l’équilibre financier sur ces droits et qui est donc capable de l’uberiser », détaille-t-il.
C’est en effet le modèle d’Amazon : enrichir l’offre de services proposés à ses abonnés Prime, qui, selon une étude de Morgan Stanley citée par le New York Times, achèteraient deux fois plus sur la plateforme e-commerce que les non-abonnés. Ainsi, l’équation économique porte sur l’activité d’Amazon dans sa globalité. « Cela pose la question d’une éventuelle distorsion de concurrence », argue Philippe Bailly, qui chiffre à 4,2 millions le nombre d’abonnés Prime Vidéo qui devraient être consacrés à payer ces droits, en supposant que la Ligue 1 n’entraîne pas de hausse de tarif – ce qui reste à préciser.
Pour Vincent Chaudel, il faut voir là « un tour de chauffe pour les Gafa ». Car selon lui, au-delà des droits domestiques, un acteur comme Amazon pourrait être intéressé par les droits internationaux de la Ligue 1, qui rapporte 80 millions d’euros par an à la LFP, quand ceux du championnat espagnol rapportent 890 millions d’euros. « Si au prochain appel l’offres, Amazon peut acheter le même lot plus l’international, ça peut monter très haut », anticipe-t-il. Chez Jeff Bezos aussi, l’appétit vient en mangeant.
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