Ce sera l’un des événements de ce début d’été pour la chaîne M6 : la diffusion de l’émission La Soirée extraordinaire, la musique comme vous ne l’avez jamais vue, produite par DMLS TV et tournée à la Scène musicale fin mai pour une mise à l’antenne dans les prochaines semaines. Le principe ? Une succession de tableaux portés par un chanteur ou une chanteuse. En plus de la prestation vocale et scénique, les téléspectateurs seront emmenés dans son univers grâce à la réalité augmentée. « C’est une expérience inédite, une immersion totale des artistes dans des mondes virtuels. Julien Doré sera par exemple transporté dans le Grand Canyon. C’est plus qu’un clip car on ne veut pas que les téléspectateurs sortent de la salle », explique Pierre-Guillaume Ledan, directeur général adjoint des programmes des chaînes en clair pour les programmes de flux au groupe M6.
Soif d'innovation
Aux États-Unis, l’émission American Idol a proposé en mai 2020 une séquence similaire immergeant la chanteuse Katy Perry dans un monde de dessin animé en réalité augmentée. En France, c’est la première fois que M6 utilise cette technologie dans une émission de divertissement. En plateau, les artistes ne voient qu’environ un tiers du rendu final, le reste est fait en temps réel pendant l’enregistrement, avec le studio de création virtuelle Blue Node. La réalité étendue, qu’elle soit augmentée, virtuelle ou mixte, « va être l’une des grandes tendances de ces prochaines années à la télévision. Les téléspectateurs ont soif d’innovation et de nouveautés, et même si cette technologie est encore très onéreuse, on va en voir de plus en plus », prédit Pierre-Guillaume Ledan.
Déjà, dans les journaux télévisés de TF1 et France 2, la réalité augmentée est régulièrement utilisée pour aider le téléspectateur à visualiser ce qui ne peut pas être filmé. En son temps, Michel Chevalet expliquait la conquête spatiale à l’aide de maquettes. Aujourd’hui, la Station spatiale internationale se visite en réalité augmentée sur le plateau du 20 heures de France 2. « Les téléspectateurs, toute génération confondue, sont friands de ce mode d’expression journalistique, qui nous aide à montrer des choses que l’on ne pourrait pas montrer autrement, indique Laurent Guimier, directeur de l’information de France Télévisions. Mais on s’attache à ce que la réalité augmentée ne soit pas gadget en lui appliquant la même exigence de traitement que pour l’image traditionnelle. »
Voyage dans le corps humain
C’est ainsi que les téléspectateurs de France 2 ont pu voyager dans le corps humain, à la surface de la planète Mars, dans le bureau ovale à Washington ou même visiter le Panthéon, de la cave au plafond, grâce à un savant mélange d’images réelles et virtuelles. « La réalité augmentée, c’est de l’information augmentée. Ça coûte encore cher à concevoir, ça prend du temps, mais nos publics ont pris l’habitude de voir des images virtuelles, que ce soit dans les jeux vidéo ou à travers l’animation à la Pixar. Nos yeux se sont habitués à ça, et pour nous, chaîne de télévision, être dans l’époque, c’est montrer de la réalité augmentée au 20 heures », souligne Laurent Guimier.
Même chose au JT de TF1. « Nous nous servons de la réalité augmentée en plateau, dans un but pédagogique, mais aussi sur le terrain en post-production, pour montrer ce qu’on ne peut pas filmer », résume Yani Khezzar, journaliste responsable de l’innovation pour l’information. La technique a par exemple été utilisée pour montrer la réalité que pourrait prendre la montée des eaux en Normandie, du fait du réchauffement climatique, ou à quoi ressemblera Notre-Dame une fois sa reconstruction achevée.
En plateau, le journaliste s’est aussi entouré du robot Perseverance, avant son atterrissage sur Mars, ou de personnages en 3D pour expliquer l’impact de la réforme des retraites. « Ce type d’outils permet de donner un côté palpable à des simulations froides. C’est un nouveau canal pédagogique qui répond au besoin d’identification des téléspectateurs », analyse Yani Khezzar, selon qui ces séquences vont se multiplier à l’approche de l’élection présidentielle. « Quand on touche au salaire des gens ou à leurs impôts, c’est compliqué de trouver des Français prêts à être filmés dans le cadre d’un reportage. La simulation 3D permet de contourner le problème », précise le journaliste.
Jeux de matières
Les avancées technologiques, notamment en termes de moteurs graphiques, expliquent que ce type d’outils soit aujourd’hui accessible aux chaînes de télévision. Celles-ci ne jurent aujourd’hui plus que par le logiciel Unreal Engine, développé par Epic Games, longtemps cantonné au seul secteur du jeu vidéo. « Aujourd’hui, le niveau de graphisme a tellement évolué, notamment sur les jeux de matières, qu’on est parfois obligé de dégrader l’image sans quoi celle-ci serait trop pure à l’écran », illustre Didier Fraisse, réalisateur en charge de la mise en images des Jeux olympiques pour France Télévisions depuis 2008 [lire encadré].
« De plus en plus, les décors des émissions de télé vont se faire en réalité augmentée. La pandémie a accéléré ça. Cette technologie a un réel impact économique, ça coûte moins cher, et le téléspectateur ne le sent pas tellement », ajoute Didier Fraisse. Déjà, des émissions comme Stade 2 ou le jeu Mot de passe sur France 2 ont un décor entièrement réalisé en réalité augmentée. Beaucoup d’autres devraient suivre.
Incrustation en direct de Tokyo pour les JO
Pour les Jeux olympiques de Tokyo cet été, le réalisateur Didier Fraisse a imaginé un plateau virtuel, qui plongera les téléspectateurs dans la baie de Tokyo grâce à la réalité augmentée. Le présentateur, Laurent Luyat, et ses invités seront dans la capitale japonaise au milieu d’un plateau vert de 100 m2, avec pour seuls éléments réels une table et des chaises. Les images seront transmises à Paris d’où seront incrustés en direct les plans en 3D de la baie de Tokyo, qui s’adapteront à l’heure de la journée et à la météo du jour, avec un réalisme presque total.
