Dossier OOH
La fin du troisième confinement ouvre de nouvelles mais fragiles perspectives pour le secteur de la publicité extérieure. Les principaux afficheurs, pratiquement tous concernés par une réduction forcée de leurs effectifs, se sont organisés pour limiter la casse.

« On a tous envie d’être de nouveau en terrasse… » Qui pour contredire Valérie Decamp, directrice générale de Mediatransports, régie spécialisée dans la communication dans les transports ? Dans les faits, le retour des Français dans les rues et les restaurants, dès la levée des restrictions sanitaires, devrait offrir des perspectives aux spécialistes de l’affichage, qui ont connu en 2020 une année noire. Faute de pouvoir être vus dans les villes, le métro ou les aéroports, les annonceurs ont en effet eu tendance à stopper leurs investissements en communication extérieure, privilégiant notamment le digital. Le retour des audiences devrait permettre aux acteurs du marché de souffler un peu et de retrouver une certaine vivacité, à défaut de remonter totalement une pente qui fut très abrupte ces derniers mois.

Selon l’Irep, la publicité extérieure a régressé de 33,3 % en 2020. « Dans le détail, le DOOH baisse de 41,9 % alors que son ascension était spectaculaire en 2019, à +20,5 %, l’outdoor baisse de 28,6 % vs -2 % en 2019, le transport est à -49,1 % vs +8,7 % , le mobilier urbain à -24,4 % vs +5,7 %, le shopping à -31,5 % vs +0,2 % », complète un communiqué de l’association. La publicité extérieure est le média qui a le plus souffert en 2020, après le cinéma.

Dans une conjoncture exceptionnellement compliquée, le secteur a pu bénéficier d’aides de l'État, comme des prêts, des reports de charges ou de l’activité partielle, mais pas de soutien spécifique. Pendant que les Français étaient enfermés, il fallait continuer à payer les redevances ou l’entretien du mobilier. Et si une reprise s’annonce, il faudra aussi prendre en compte la modification durable et profonde des comportements. Le télétravail, devenu la norme, ne s’arrêtera pas d’un coup. Les déplacements seront, au moins à court et moyen termes, moins lointains. À cela s’ajoute que certains annonceurs, dans le tourisme ou la culture, vont durablement souffrir et ne reprendront pas leurs habitudes d’avant la crise.

 

Le digital à la rescousse

Ces facteurs qui marqueront la reprise, le géant du secteur JCDecaux (-26 % de chiffre d’affaires en France en 2020, -40,6 % pour l'ensemble du groupe) les aborde avec une priorité : la mise en œuvre de l’achat programmatique. Déjà accessible dans une douzaine de pays, il devrait se déployer en France dans les prochaines semaines, via la plateforme Viooh. « Nous sommes en plein dans le go to market », confiait en avril Isabelle Schlumberger, directrice générale commerce de JCDecaux.

La tech, voilà aussi le pari fait par Mediatransports. Côté programmatique, des tests sont en cours avec pour horizon la fin de l’année pour la commercialisation de premières campagnes. Mais là n’est pas la première priorité de la régie, dont le chiffre d’affaires a été divisé par deux l’année dernière et est toujours à la peine au premier trimestre. En plus d'espérer voir ses contrats reconduits avec la SNCF et la RATP après leur remise en jeu cette année, l’entreprise entend surtout poursuivre la digitalisation de ses inventaires publicitaires. Avec la société Retency, elle propose d’ores et déjà une mesure d’audience en temps réel, grâce à des boîtiers installés sur les panneaux. « Nous souhaitons déployer le dispositif pour le plus grand nombre de mobiliers publicitaires digitaux ou papier », détaille Valérie Decamp. L’étape suivante, qui doit être atteinte dans les deux ans, sera d’enrichir cette audience par d’autres sources externes pour mieux connaître le public, ses points d’intérêts, ses communautés d’appartenance... et ainsi d'optimiser le ciblage.

La reprise se jouera aussi en local. C’est en tout cas le pari de Clear Channel, qui explique faire « un peu mieux » que la moyenne dans un marché à -33 % en 2020, et qui prévoit un premier trimestre 2021 autour de -40 %. « Nous essayons de saisir cet engouement [l’envie des Français d’être dehors, NDLR] mais aussi d’accompagner nos clients par des offres et des tickets d’entrée adaptés », explique Boutaïna Araki, sa présidente.

 

La carte du local

L’afficheur expérimentait à Nice et Nîmes, fin 2020, un dispositif permettant aux commerçants de proximité, via une plateforme dédiée, d’afficher des messages publicitaires près de leurs points de vente, de façon très ciblée. « L’idée est de le déployer dans toutes les villes où nous sommes présents en OOH », dépeint la dirigeante de Clear Channel. L’afficheur a aussi, fin avril, lancé des offres pour favoriser les prises de parole en France sur les lieux où les Français résident et passent leurs vacances. Il fera de même autour de l’Euro de football en juin. Même optique chez JCDecaux, qui a également lancé en avril ses offres estivales afin d’accompagner les annonceurs notamment sur les zones littorales tricolores.

Pour tous les afficheurs, la reprise passera également par la RSE. « Nous serons "carbone neutre" en France dès 2021 », assure Isabelle Schlumberger. JCDecaux avance actuellement sur un calculateur d’empreinte carbone. Réalisé avec le cabinet Utopies, l'outil mesurera l’impact environnemental et sociétal des campagnes au travers d’indicateurs clés comme les émissions de CO2, les m3 d’eau utilisés pour la réalisation de la campagne, le nombre d’ETP (équivalents temps plein) soutenus et les euros générés dans l’économie. Mediatransports, de son côté, développe son projet de calculateur en s’appuyant sur EcoAct et Exterion Media, autre régie du secteur, se penche avec Greenly sur un sujet équivalent. « Nous espérons aussi avoir un calculateur commun pour le secteur, précise Valérie Decamp. C’est le tout début. Nous sommes en train de poser le cadre ». Sur un autre volet de la RSE, Exterion Media a noué fin 2020 un partenariat avec Goodeed pour encourager les publicités solidaires.

 

Départs contraints

Au-delà des relations avec les clients, la relance s’inscrit aussi dans un contexte où les afficheurs ont quasiment tous dû tailler dans leurs effectifs. Seul Mediatransports (430 personnes) est épargné par les départs liés à la crise, mais il s’était déjà « réorganisé » auparavant, et surtout, les salariés ont renoncé à leurs bonus et à des congés, et ils ont consenti à des baisses de salaire pour passer le cap. À l’inverse, le plus violemment touché est Exterion Media (-30 % à -35 % de chiffre d’affaires en 2020), qui perdra 30 % de ses effectifs au 1er septembre, après qu’un PSE ayant fait l’objet d’un accord collectif a été validé en avril. L’afficheur passera ainsi de 300 à 200 personnes, les fonctions administratives et back office seront en partie automatisées.

« Nous repensons totalement notre modèle économique », confie Jean-François Curtil, le PDG. Au-delà du PSE, une réorganisation est prévue en deux business units. Centrée sur les infrastructures, la première gèrera les baux, les opérations et les contrats de signalétique longue durée, tandis que la seconde sera orientée clients et services. Ce nouveau fonctionnement devrait être opérationnel au 1er juillet. « La BU Infrastructures est inspiré du modèle des régies TV ou radio. Nous pourrions être sollicités par un afficheur indépendant, pourquoi pas national. Par exemple, nous avons des spécialistes de la réglementation locale sur tout le territoire. Nous pouvons proposer des audits », développe Jean-François Curtil. De quoi potentiellement ouvrir la porte à d’autres synergies dans le futur.

À Clear Channel, qui compte 950 personnes actuellement, la rupture conventionnelle collective entamée ces derniers mois n’a pas abouti. Des discussions sont en cours autour d’un plan de réduction des effectifs un peu plus important que celui précédemment prévu, de 15 % à 20 %, contre 10 % la première fois. Chez JCDecaux, environ 120 collaborateurs en France sur 3 400 ont été ou seront concernés par un départ entre fin décembre 2020 et fin juin 2021. L’organisation est resserrée autour de quatre directions de zones contre cinq auparavant et le DOOH a été réorganisé avec la nomination à sa tête de Clément Lion en janvier 2021. Autant d’initiatives visant à préparer des jours meilleurs.

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