Radio
L’axe routier Paris-Lyon Marseille sera ouvert à la techno DAB+ dès juillet prochain. Une promesse de confort de réception pour les auditeurs. Et une nouvelle donne pour le marché ?

« Le DAB+ ? Cela aurait été intéressant s’il s’était développé il y a quinze ans, comme cela a failli se faire » grogne un esprit chagrin du marché. Et ils sont quelques-uns à regretter que cette technologie de son numérique, développée dans les années 2010 sous le nom de radio numérique terrestre (RNT), ait mis si longtemps à prendre racine en France. En Allemagne, 100 % du territoire est couvert par le DAB+ tandis qu'en Norvège, le signal FM a été abandonné au profit du son numérique présent partout. Pourtant, à partir du 15 juillet 2021, 25 radios nationales (1) seront autorisées à émettre dans cette norme en France métropolitaine. S'ouvre avec le DAB+ la promesse d’un son à la qualité inégalée, de l'accès à de nouvelles stations et même d'une manne publicitaire supplémentaire. De quoi faire bouger les lignes. « Le paysage de la radio est resté stable pendant des années. L’arrivée du DAB+ ne va pas révolutionner l’audience des stations. Mais elle va peut-être rééquilibrer le paysage, valoriser certaines antennes et amener des changements notables à terme », souligne Philippe Nouchi, expert media chez Publicis Media.

Confort d'écoute

Le premier atout du DAB+, c'est la qualité sonore qu'il propose. Il s'agit d'un son numérique et non analogique comme sur la FM. Le confort d'écoute est optimal et la qualité du signal inégalée, plus claire et sans brouillage. « Il fallait que la radio évolue d'un point de vue technologique dans les services rendus aux Français » assure Hervé Godechot, membre du CSA en charge de la radio. Dont acte. Le DAB+ est déjà présent dans 23 bassins de vie, correspondant à 30 % de la population. À compter du 15 juillet, le paysage radiophonique numérique passera alors un cap décisif en couvrant les axes autoroutiers Paris-Lyon-Marseille. Chaque station sera audible sans discontinuer. Outre les 25 antennes connues (1) notons d'arrivée de petites nouvelles. Skyrock Klassiks se concentrera sur le Rap des années 1980. Air Zen se présente comme « la première radio française consacrée au mieux-être, au mieux consommer et au mieux vivre ». BFM Radio (et non « Business ») bénéficiera d'une première fréquence. Grâce au DAB+, la radio arabophone Monte Carlo Doualiya est diffusée depuis février à Paris et Marseille.

De quoi permettre un nouveau développement alors que la bande FM est saturée. « Il n'y a plus de place pour étendre les zones de couverture, confirme Hervé Godechot. Sur la bande FM, une radio implique une fréquence et un émetteur. Alors qu'avec le DAB+, treize radios peuvent être compressées en un signal sur une fréquence. Cela permet aux radios existantes de s'étendre sur de nouvelles zones et aux nouvelles radios de pouvoir être diffusées. »

Mais encore faut-il que les auditeurs s'équipent et adoptent ce mode d’écoute. Pour l'instant, selon la dernière étude, qui date de 2019, seuls 13 % des Français ont un récepteur DAB+. Sachant que depuis fin 2019, tous les postes individuels en vente adoptent cette techno. Et 11% des Français ont un autoradio DAB+. Depuis le 25 décembre, toutes les voitures neuves vendues en France doivent en être équipées. « Moins de 40% de la population aura le DAB+ d’ici deux à trois ans » souligne Olivier Goulet, président de Iligo, agence spécialisée dans le marketing et les médias. Cela reste donc une audience un peu de niche, pour l’instant. Mais cela va permettre un accès plus universel à la radio qui est cependant déjà possible avec la digitalisation du média sur internet via les appli. »

Un coût à amortir

Pour les radios, cette révolution a d'abord un coût. Au point que les radios privées avaient demandé le report du projet :

« Nous préférons un démarrage en 2022, souligne Anne Fauconnier, déléguée générale du Bureau de la radio. On se précipite un peu. Le lancement du DAB+ métropolitain est un projet d’une importance majeure, dont la réussite suppose qu’il soit lancé dans des conditions qui ne sont pas réunies, et ne le seront toujours pas en 2021, de scompte tenu de la pandémie et de la crise du secteur automobile. Par ailleurs, le DAB+ impose des coûts d'exploitation de l'ordre de plusieurs millions d'euros sur huit ans pour chaque radio alors que nous faisons face à des revenus publicitaires en baisse à la suite de la pandémie. » Cependant, Hervé Godechot note que ce mode de diffusion sera plus économique pour chaque antenne, de l'ordre de 30%. 

La promesse d'un nouveau marché ?

Va-t-il y avoir des ressources publicitaires supplémentaires grâce au DAB+ ? « Il est prévu une montée en puissance, ce qui fait que cela ne changera pas à court terme le marché, souligne Olivier Goulet. On l’a vu avec la TNT. Il a fallu attendre que la majorité de la population soit équipée pour que la bascule s’opère. » « Potentiellement, cette technologie peut générer de nombreux changements mais, sur le marché publicitaire, personne n'en parle pour l'instant », renchérit Frédéric Hergaux, directeur des achats audio chez Publicis Media. Les données associées à la diffusion via l'écran pourraient être exploitées publicitairement. Mais encore faut-il que l'audience via le DAB+ soit assez convaincante pour intéresser les annonceurs, ce qui nécessite une adoption massive de cette techno à l'heure où le développement de l'audiodigital avec podcast, webradios et radios sur flux digital ou applis sont en plein développement. Pour Hervé Godechot, le DAB+ est complémentaire de la diffusion en FM mais aussi de la 4G ou même de la 5G :« Ces technologies ne s'opposent pas mais se complètent et le DAB+ réunit le meilleur des deux mondes, alliant qualité, minimum de consommation d'énergie et moindre coût car une fois le récepteur acquis, pas d'abonnement à souscrire comme avec un smartphone». 

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