Audiovisuel
Entre des tournages rendus compliqués voire impossibles du fait de la crise sanitaire et une économie structurellement tendue, le secteur du documentaire s’interroge sur son avenir.

D’ordinaire, le Fipadoc de Biarritz est l’un des grands rendez-vous annuels du documentaire en France. Reporté pour le grand public en raison de la crise sanitaire, le Festival international de programmes audiovisuels documentaires a tenu ses Journées professionnelles en ligne du 18 au 22 janvier, et l’ambiance n’était pas vraiment à la fête. Depuis presqu’un an, de nombreux projets ont été suspendus. « En 2020, ça a été très compliqué pour les tournages à l’étranger. En 2021, le problème porte surtout sur les films de société, à commencer par les films d’immersion, dans les écoles ou les prisons, dont les tournages ne cessent d’être repoussés », explique Catherine Alvaresse, directrice des documentaires de France Télévisions.

Coprésence nécessaire

Les tournages à l’étranger restent difficiles, notamment aux États-Unis. « Ce n’est pas résolu par Skype ou Zoom car la coprésence est nécessaire, le réalisateur fait partie du réel qu’il filme », rappelle Fabrice Puchault, directeur des documentaires chez Arte France. Autre question, les masques, rendus encore plus nécessaires du fait de la contagiosité des variants du Covid. Faut-il filmer les gens masqués au risque de perdre leurs expressions du visage, qui font l’une des forces des documentaires ? Au risque aussi, lorsque le film sera diffusé dans un ou deux ans, de paraître daté voire de renvoyer à une période anxiogène que tout le monde veut oublier. « Pour le moment, on arrive à tourner en respectant les gestes barrières pour qu’il n’y ait pas de masque à l’image », se félicite Fabrice Puchault. « Filmer masqué donne un autre angle au film, une autre temporalité. On repousse le tournage quand le masque change l’histoire qu’on veut raconter », renchérit Catherine Alvaresse.

Mais la crise sanitaire n’est pas la seule inquiétude. Malgré les mesures d’urgence et de relance décidées au fil des mois pour soutenir la filière, et donc les documentaristes et les sociétés de production, le documentaire est un secteur très fragile. Selon une étude de l’Uspa, le syndicat de la production audiovisuelle, parmi 506 documentaires étudiés, qui ont obtenu l'autorisation définitive du CNC entre 2018 et 2020, six œuvres sur sept ne sont pas amorties au moment du rendu des comptes définitifs. Pour ces œuvres, 15% du coût de production n’est pas financé. « Le producteur avance l’argent des autres, à lui de voir comment il le récupère », s’emporte Manuel Catteau, président de la société de production ZED. 

Problème structurel

Les auteurs-réalisateurs ne sont pas mieux lotis. D’après une autre étude, réalisée par l’Addoc, l’Association des cinéastes documentaristes, un documentaire de 52 minutes est rémunéré en moyenne 12 326 euros brut au global au réalisateur, avec une variation de 2 900 à 26 950 euros selon les films. « Nous sommes face à un problème structurel. La seule solution serait d'obtenir un meilleur financement des diffuseurs français », estime Jérôme Dechesne, délégué général adjoint de l'Uspa. « Tous les documentaires ne sont pas sous-financés », loin de là, martèle du côté de France Télévisions Catherine Alvaresse, qui rappelle que sa propre enveloppe « n’augmente pas. C’est une vraie question ».

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.

Lire aussi :