« Decathlon retire ses publicités de la chaîne CNews. » Annoncée par le collectif Sleeping Giants fin novembre 2020, l’affaire avait fait grand bruit, comme le symbole d’un début de fronde des annonceurs vis-à-vis de la ligne sulfureuse de la chaîne d’information, jugée d'opinions, populiste ou marquée très à droite. Sauf qu’il n’en serait rien. « Decathlon semble avoir coupé l’ensemble de ses investissements en télévision depuis le 22 novembre, constatait mi-décembre Julien Levy, trading manager chez GroupM. Cela ne concerne pas que CNews. »
Pas de boycott des annonceurs
Depuis la rentrée, malgré les polémiques régulières, qu’il s’agisse des sorties d’Éric Zemmour dans l’émission de débat Face à l’info ou des propos tenus par Pascal Praud dans L’Heure des pros, les annonceurs ne désertent pas plus la chaîne, bien au contraire. Sur la période septembre-novembre 2020, les montants bruts investis sont même en hausse de 35,5% en un an, selon Kantar, portant la part de marché publicitaire de Cnews à 19,4% dans l’univers des chaînes info, contre 16,5% sur la période janvier-août.
Plusieurs annonceurs ont bien désinvesti la chaîne en 2020, comme Amazon, Cofidis ou encore Giorgio Armani. D’autres ont réduit la voilure, comme Carrefour, Dacia et Carglass. Mais, dans le même temps, les investissements d’annonceurs comme DS Auto, Uber et même Hermès se sont envolés. « Il n’y a pas de décrochage publicitaire, ni de boycott des annonceurs », insiste Julien Levy. « La chaîne se porte plutôt bien », renchérit Marlène Auvieux, directrice TV chez Repeat Group.
Il faut dire que ses audiences sont en nette hausse depuis la rentrée. Après un mois de septembre à 1,5%, CNews a atteint une part d’audience de 1,8% en octobre et en novembre 2020, creusant l’écart avec LCI (1,2% sur les deux mois). La chaîne info de Canal+ reste toutefois largement distancée par BFMTV (3,2% en octobre, 3,3% en novembre). Sur la seule cible des 25-49 ans, CNews a progressé de 114% en septembre-novembre comparé à 2019, contre +81% pour BFMTV. Conséquence, « la chaîne n’est pas payée à sa juste valeur », explique Marlène Auvieux, selon qui les montants facturés se basent sur l’audience au quart d’heure moyen de la période janvier-juillet.
Décalage
Reste l’épineuse question du contexte de diffusion des publicités. Après avoir suspendu un temps les coupures dans l’émission d’Éric Zemmour, la chaîne a de nouveau ouvert la tranche 19h-20h à la publicité. « Avec ce type de chaîne, on se doit de demander à la marque si elle veut être autour de l’émission d’Éric Zemmour ou pas, ce n’est pas à moi de prendre la décision. Mais ce n’est pas comme avec Cyril Hanouna qui fait l’audience de C8 : les audiences d’Éric Zemmour (+220% entre février et mai 2020) profitent à la grille de manière générale », observe Marlène Auvieux.
Pour limiter d’éventuels dérapages qui pourraient faire fuir les annonceurs, un différé de 30 minutes avait été mis en place dans Face à l’info à l'automne 2019. « Ce décalage assure une sécurité pour les marques », note Julien Levy, même s'il n'a pas empêché la sortie d'Éric Zemmour sur les mineurs isolés un an plus tard. Mais quand l'audience va, tout va.