Témoignages de dirigeants

Le succès de la Maison Lumni, sur France 4, vous incite-t-il à pérenniser ce type de programmes éducatifs sur vos antennes ?

 DELPHINE ERNOTTE. A l’occasion de la crise sanitaire, on a vu que France 4 a été un bon complément pour l’enseignement à distance auprès d’élèves qui ont du mal à accéder au numérique ou dont l’ordinateur est déjà pris par un aîné ou des parents. On touche ainsi 1 million d’enfants par jour. Avec la reprise des cours, il y a encore de la place pour un projet éducatif assez fort aux heures où les enfants sont devant la télé et pour l’accompagnement des parents. On le voit avec les Maternelles sur France 5. Dans l’hypothèse où le gouvernement déciderait de sursoir à la fermeture de France 4, on travaille à une ligne éditoriale ludique, éducative et en soutien des parents. Le dossier est aujourd’hui rouvert.



 L’annulation ou le report des événements sportifs comme Roland Garros, le Tour de France ou les JO de Tokyo, ainsi que la déprogrammation des festivals culturels bouleversent vos grilles. Comment y répondez-vous ?

 D.E. Dans l’incertitude de la crise, nous avons beaucoup appris sur la place de l’éducation, de l’information et du divertissement. J’ai décidé qu’il fallait mettre à profit cette période pour aménager nos grilles et pour réfléchir à l’après. C’est pourquoi j’ai lancé un pacte de transition jusqu’à la fin de l’année. En septembre, sont prévus le Tour de France et Roland Garros. Les grilles de rentrée, les innovations seront pour janvier. Nous avons déjà consulté pour cela les salariés et nous lançons une enquête citoyenne d'envergure en septembre pour interroger nos téléspectateurs. Nous allons aussi nous entourer d’intellectuels d'horizons divers pour nous aider à repenser la télévision. Le linéaire et le numérique se répondent : la Maison Lumni est un succès sur France 4 et c'est aussi la deuxième meilleure consultation en TV de rattrapage. Il faut plutôt distinguer entre deux usages fondamentaux que sont le direct et le non direct. Pendant le confinement, la télé traditionnelle a fait un bond tout comme le direct sur le numérique. C’est une façon d’être ensemble. 



Vous avez annoncé que vous alliez passer de 420 à 440 millions d’euros investis dans la création audiovisuelle. Pourquoi ?

D.E. Nous avons décidé de soutenir la création, où nous pesons plus de 50% des investissements, en raccourcissant nos délais de paiement, ou en passant des conventions pour continuer les développements. Nous discutons aussi avec les producteurs pour voir comment les soutenir face aux surcoûts liés à la crise. Mais au-delà de ces mesures d’urgence, nous souhaitons être là pour accompagner la reprise. La culture/entertainment est le deuxième secteur le plus touché en Europe après l’hôtellerie -restauration. A cet égard, l’annonce par le Président de la République de fonds de dotation pour soutenir les tournages est une excellente nouvelle. Nous devons être un partenaire de la relance. En débloquant 20 millions d’euros supplémentaires, nous avons, en somme, réinvesti dans la création ce que nous n’avons pas mis dans le sport cette année. Comme il va être difficile de faire des tournages longs, nous avons en outre favorisé le développement d’unitaires qui sont tournés sur des périodes plus courtes et donc moins exposés au risque sanitaire.



 Considérez-vous que les salariés doivent participer aux efforts que vous faîtes en créant un fonds de soutien en faveurs des employés non permanents du groupe ?

 D.E. Nous avons fait plusieurs efforts. D’abord, nous avons maintenu les rémunérations de tous les salariés permanents, y compris ceux qui sont en dispense d’activité, ainsi que les intermittents et CDD que nous avions prévu de faire travailler en mars et avril.  Pour l’après-crise, en faveur des CDD réguliers et des intermittents qui vont avoir du mal à redémarrer, nous négocions avec les partenaires sociaux un système de fonds abondé tant par l’entreprise que par les salariés de façon à ce qu’il y ait un élan de solidarité. L’entreprise France Télévisions, mais aussi les salariés à travers le don de RTT, contribuent à alimenter ce fonds de soutien aux intermittents.



 Etes-vous favorable au crédit d’impôt en faveur des annonceurs ?

 D.E. Je ne sais pas s’il faut précisément un crédit d’impôt. Mais en tant qu’entreprise contributrice à la création, je soutiens mes collègues du privé. Comme nous, ils sont durement touchés par la baisse de la publicité. On craint que les annonceurs ne reviennent pas mais aussi qu’au moment de la relance ils basculent encore plus fortement en faveur des Gafa. Tout ce qui permettra de préserver l’investissement privé dans les médias locaux est une bonne politique. En 2008, toute la croissance de la publicité est partie sur les plateformes globales et l’on sait que ces moments de crise sont des périodes d’accélération de tendances. Je le rappelle, les Gafa ne payent pas d’impôts en Europe et ne contribuent pas à la richesse collective.



 Si vous deviez définir la direction dans laquelle vous voulez engager votre future offre de programmes, ce serait avec quels mots ?

 D.E. Pendant ce moment difficile, la télévision de service public a renforcé son utilité auprès des gens. Que ce soit pour les informer, les divertir ou les instruire. J’ai envie de renforcer l’utilité publique de France Télévisions.

 

 

 

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.