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Les rédactions des groupes audiovisuels sont toutes mobilisées pour informer les Français sur la crise sanitaire et le confinement. En changeant, dès à présent, considérablement leurs habitudes de travail.

À Europe 1, où un cas de coronavirus a été signalé à la direction, on ne comptait que 12 personnes sur 150 salariés mardi 17 mars, à la cantine de la radio. C’est une situation inédite de télé travail généralisé – la direction de la rédaction emboîtant le pas dès mercredi – qui a été enclenchée. «Une démarche citoyenne et responsable», selon son directeur de la rédaction, Donat Vidal Revel, qui précise que le 6-9 heures de Matthieu Belliard a été entièrement piloté depuis chez lui, en Normandie. Pour le 12-13h, l’émission La France qui bouge, ou le 18-20h, les studios étaient tout aussi vides. «Ce qu’on pensait compliqué pour une personne, on l’a appliqué partout en 72 heures», constate le dirigeant. Il en va de même dans de nombreuses rédactions comme à Libération où seule une vingtaine de salariés étaient physiquement présents pour assurer la sortie en kiosques.

Une telle mesure de prudence et de bon sens sanitaire évitera ce qu’on vu et entendu de nombreux téléspectateurs le soir des élections municipales : des invités toussant en plateau devant des journalistes entièrement dévoués à leur tâche d’informer sur le coronavirus.

Jusqu’au discours sur le confinement d’Emmanuel Macron, lundi 16 mars au soir, la priorité est en effet plutôt d’adapter les programmes même si la prise de température est obligatoire (inférieure à 38 degrés) pour entrer dans les locaux de France Télévisions, France 24/RFI comme RTL/M6. C’est ainsi que l’émission de Julien Courbet sur RTL est allongée de 9h30 à 11h30 pour répondre aux préoccupations des auditeurs ou que le journal de 20 heures de France 2 a été prolongé pour laisser une plus grande place à l’information, tout comme le 19-20 de France 3. La suspension des tournages d’Un si grand soleil, de Plus Belle la vie comme de Demain nous appartient rend, de toutes façons, nécessaire de telles adaptations. Dès le mardi, l’heure est même à la mutualisation entre les antennes : Télématin fusionne avec la matinale de Franceinfo, les chaînes régionales de France 3 créent une émission commune Ensemble contre le virus pour répondre aux interrogations. Et, à partir du 23 mars, une nouvelle émission de France 5 en lien avec l’Éducation nationale pour accompagner les révisions des 8-12 ans, la Maison Lumni, pourrait également être programmée sur France 2. Un magazine quotidien interactif est annoncé en parallèle sur France 5, l’après-midi, avec des experts sur la crise sanitaire.  

«Nous devons être auprès de nos concitoyens pour répondre à leurs questions et à leurs vives inquiétudes (…), explique Delphine Ernotte, la PDG, dans une lettre interne le 16 mars. Nous serons nécessairement amenés à faire évoluer nos grilles et à réduire nos offres pour nous concentrer sur l’essentiel. La priorité sera donnée aux émissions d’information.» Des émissions en public et non prioritaires, comme La Grande Librairie sur France 5, devraient être suspendues. La PDG s’est engagée à faire un point régulier dans un chat aux personnels.

À Radio France, qui a pris la décision d’activer pour la première fois son plan de continuation de l’activité «pour assurer la continuité du service public», la priorité est également donnée à l’info, aux magazines d’actualité, à la lutte contre les infox et à l’interaction avec les auditeurs : sur France Inter, Franceinfo et France Bleu, l’antenne se transforme parfois en «téléphone sonne» pour apporter conseils et réponses à des auditeurs désorientés ou en manque de repères. Franceinfo assure par ailleurs les flashs de France Musique. Les chroniqueurs et invités interviennent désormais par téléphone.

Un droit de retrait possible pour les reporters

À TF1, Jean-Pierre Pernaut, bientôt 70 ans, a annoncé se mettre en retrait du 13h pour respecter les mesures de confinement (Jacques Legros le remplace). «Pédagogie, décryptage, fact checking et proximité sont les maîtres mots de nos éditions», assure le groupe. LCi se fait fort, notamment, d’anticiper les questions que se posent les téléspectateurs. Le média a eu recours pour cela à un chatbot ou un assistant vituel, mis au point par la startup Clustaar, avec l’appui de Doctissmo et de l’urgentiste Gérald Kierzek. «À un dîner familial, je me suis rendu compte que le live et le check news n’était pas suffisant, confie Olivier Ravanello, directeur adjoint de LCI, je me suis dit qu’on n’arriverait pas à informer en temps réel, sauf si l’on avait un chatbot qui a la bonne temporalité pour répondre à des questions concrètes du type “puis-je aller voir mes parents ?” même si c’est plutôt un outil de relations clients : on l’a développé en dix jours. On est à un moment où le lien est très fort entre le public et les journalistes, et on essaye d’être à la hauteur». Parallèlement, les audiences du site explosent avec 3 millions de vidéos vues et le double de visites.

La question de la vérification de l’information est au centre du travail des journalistes, et plus encore en cette période de fake news. France 24 consacre entièrement sa chronique de 13h, Info Intox, aux fausses informations sur l’épidémie et RFI crée un nouveau rendez-vous matinal, Info coronavirus. «Nous avons mis en place un plan de continuité de l'activité, avec plus aucun invité et 30% des effectifs sur site», souligne Thomas Legrand-Hedel, directeur communication et des relations institutionnelles de France Médias Monde. Concernant les reporters, le Syndicat national des journalistes rappelle «qu’aucun journaliste n’est contraint d’être envoyé en reportage sans les conditions de sécurité nécessaires» et qu’il peut exercer son «droit de retrait» en pareil cas. Il appelle aussi les rédactions à faire bénéficier les pigistes des mêmes droits que les autres salariés en cas de réduction de l’activité.

Une perspective hautement probable dans la presse où les paginations seront sans aucun doute réduites faute de publicités. Ouest France a déjà rogné le nombre de ses éditions de 53 à 12 éditions, La Voix du Nord de 20 à 4. Le coronavirus menace les parutions et risque de devenir le sujet unique des prochaines semaines. Quant aux retransmissions sportives, elles sont aussi toutes compromises depuis l’annulation des matchs de Ligue 1 jusqu’à l’Euro en passant par le Top 14, ce qui entraîne des bouleversements des grilles sur les chaînes sportives comme L’Equipe, BeinSports ou Canal+. «Il y aura un avant et un après, on ne réatterrira pas comme avant», augure Donat Vidal Revel.

Ces offres qui se mettent au clair

« Un acte de générosité et de solidarité envers tous ceux qui sont confinés chez eux », selon Emilie Pietrini, dircom de Canal+. Son groupe fut le premier à offrir l’intégralité de sa chaîne à péage aux non abonnés et des chaînes thématiques à ses abonnés. Puis, ce fut au tour d’Orange de se porter au secours des Français assignés à résidence. L’opérateur offre OCS et les chaînes jeunesse Boomerang, Tiji, Boing, Toonami et Canal J tandis que SFR propose à ses abonnés les bouquets Plus Jeunesse (avec les chaînes Disney) et Divertissement & Découverte. Du côté de la presse, Le Monde lève son pay wall pour tous les contenus (live, vidéos, articles…) traitant du coronavirus. Les Jours offre un essai pour un mois. C'est également le cas du kiosque numérique Cafeyn (1600 titres de presse) qui propose un code sur sa page d'accueil pour bénéficier de ses services gracieusement pendant cette durée. De son côté, le site de podcasts Majelan propose l'intégralité de son offre en accès gratuit également pendant un mois. 

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