Communication extérieure
Jean-Charles Decaux, président du directoire du groupe JCDecaux, demande une redéfinition des règles de la concurrence européenne pour pouvoir réaliser des acquisitions en Europe.

Vous avez annoncé -10% de chiffre d’affaire au premier trimestre. La Chine est votre premier marché, vous vous êtes beaucoup développé dans les aéroports et les transports. Est-ce que cela fait de vous un groupe particulièrement exposé au coronavirus ?

 Nous avons des activités très réparties dans le monde où chaque jour génère plusieurs millions d’euros de CA. Il est clair que le coronavirus a un impact sur le marché chinois, notamment en février et en mars. Il y a eu un très fort ralentissement dès lors que l’épidémie a été déclarée en Chine. Mais nous avons été capables d’accompagner, de façon très rapide, nos marques commerciales par des aménagements tarifaires. C’est dans l’adversité et les moments difficiles qu’il faut savoir accompagner ses partenaires.

 

Et sur les autres marchés ?

Il est encore trop tôt pour estimer l’impact du coronavirus dans les autres géographies. À l’heure où je vous parle, nous n’avons pas de membre de nos équipes affecté. Nous avons mis en place des mesures de santé pour faire face à nos obligations en Chine, à la fois auprès des grands aéroports et des autorités de transport ainsi que des marques commerciales. En Chine - comme à Hong Kong -, à Singapour et en Corée du Sud, nous avons créé un système de rotation entre une équipe A et une équipe B. La situation a été très détériorée en février, et cela s’est poursuivi en mars. Il faut cependant savoir que, même s’ils ne sont pas tous comparables, nous avons déjà traversé des cycles épidémiques comme celui-ci. L’activité a été dégradée pendant plusieurs semaines mais dès lors que l’épidémie s’est résorbée, elle est repartie très fortement. Et n’oublions pas que les contrats, notamment dans les aéroports et les transports, sont à long terme. 



Un nouveau décret sur la publicité a été transmis pour avis au CSA. L’Union de la publicité extérieure évoque un risque de transfert massif vers la TV. La publicité segmentée est-elle pour vous un péril ?

Ce n’est pas tant un péril qu’un problème d’équité. On sait que les Gafa ont un impact très important sur les équilibres des médias. Or, on ne peut parler d’une réforme de l’audiovisuel qui réouvrirait des secteurs – et nous avons toujours dit qu’elle serait positive dès lors qu’elle serait équitable - si elle n’est pas élargie à l’ensemble des médias. JCDecaux est un champion mondial, nous avons beaucoup d’emplois directs et indirects, toute notre R&D est en France. Nous plaidons pour une réforme de la filière médias qui inclut la communication extérieure, la presse ou la radio qui sont aussi menacées par la nouvelle hégémonie des Gafa. Il faut de la réciprocité dans la réforme. Des questions d’ordre réglementaire, comme la limitation au secteur culturel pour les colonnes Morris ou les mâts drapeaux à Paris, doivent être revues. Il serait inéquitable d’ouvrir pour certains et pas pour d’autres. Il est temps aussi de revoir la question des marchés pertinents dans la définition de la concurrence. Qui peut nier que le premier concurrent de la communication extérieure est désormais le mobile ? Il n’existait pas il y a vingt ans. On en appelle à un sursaut européen, qui est d’une urgence absolue, pour remettre à plat certaines régulations qui portent préjudice au développement des médias en Europe. 

 

À la veille des élections municipales, demandez-vous aux candidats une évolution pour bénéficier de l’autorisation des écrans à Paris ?

Nous restons leaders à Paris, avec les abribus, les kiosques, les mâts drapeaux et les colonnes Morris. Quelle que soit l’issue du scrutin, il faudra rendre plus sereine la place de la communication dans l’espace public. Le digital est trop souvent diabolisé alors qu’il peut être utile pour les marques, les municipalités ou les associations. La Suisse ou les pays nordiques, aujourd’hui, le plébiscitent. Nous en appelons à la responsabilité collective et politique dans les règlements locaux de publicité. La propreté est un sujet majeur à Paris. À travers les abris d’autobus ou les sanitaires automatiques, nos produits sont utilisés par des millions de Parisiens et de Franciliens chaque jour, avec des degrés d’exigence en propreté et en maintenance qui sont les plus hauts du marché. Nous le défendons malgré un manque de reconnaissance. Il suffit de regarder l’entreprise qui nous a succédé sur le Vélib. Force est de dire que le contrat de Vélib 2 n’a pas été respecté, en aucun point, et qu’il devrait être en conséquence revisité, voire dénoncé. Ou, a minima, qu’on applique les pénalités requises. Ou alors c’est une invitation à la récidive et c’est inadmissible. Des centaines de nos collaborateurs ont été licenciés. Il doit y avoir une prise de conscience des pouvoirs publics.

 

Vous avez installé 2500 vélos hybrides électriques à Lyon. La batterie portative est-elle un instrument de conquête ou de reconquête des villes ?

 De conquête oui ! Nous avons gagné beaucoup d’appels d’offres et nous avons tenu nos engagements. La batterie portative est une des solutions d’avenir pour avoir un parc 100% équipé en assistance électrique. Elle permet de faciliter l’usage et d’économiser des travaux de canalisation puisque vous n’avez plus besoin d’avoir de l’électricité en station. Après Bruxelles, elle est implantée à Lyon.



Votre plateforme programmatique VIOOH a-t-elle vocation à être de plus en plus ouverte après votre accord avec Verizon Media ?

On déroule notre plan de marche. C’est désormais la plateforme la plus connectée de la communication extérieure avec 12 DSP qui lui sont reliées. Le marché adopte progressivement ce nouveau canal qui n’a pas vocation à se substituer à l’ancien mais vise à enrichir les opportunités pour les achats. Le déploiement se fait sur les marchés britannique, américain, allemand et, à la fin de l’année, français. Si elle peut être utile à notre industrie, nous la mettrons à disposition de nos concurrents. 

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