« Google a abusé de la position dominante qu’elle détient sur le marché de la publicité liée aux recherches, en adoptant des règles de fonctionnement de sa plateforme publicitaire Google Ads opaques et difficilement compréhensibles et en les appliquant de manière inéquitable et aléatoire » c’est ainsi que commence l’Autorité de la concurrence dans son avis rendu ce matin, quelques jours avant Noël. Après une enquête de plusieurs années, elle a décidé de punir le moteur de recherche d’une amende de 150 millions d’euros. Elle avait été saisie par la société Gibmedia en 2015 pour le fonctionnement de Google Ads, et la manière avec laquelle fonctionne les liens sponsorisés dans les résultats de recherche.
« La société Gibmedia édite des sites d’informations sur la météo (info-meteo.fr), les données d’entreprises (info-societe.com) et les renseignements téléphoniques (pages-annuaire.net et annuaires-inverse.net), dont certains offrent des services payants. A la suite de la suspension sans préavis de son compte Google Ads (anciennement AdWords), elle a saisi l’Autorité, par une demande de mesures conservatoires et une saisine au fond pour pratiques anticoncurrentielles. Elle estimait que la procédure suivie par Google et les motifs de la suspension n’étaient pas objectifs, transparents, et non discriminatoires », détaille l’Autorité sur son site internet.
Confusion des règles
Plus loin dans sa décision, et après une enquête de plusieurs années, le gendarme économique français estime que « les éléments au dossier montrent que Google a eu un comportement ambigu à plusieurs égards : les Règles édictées sont elles-mêmes opaques et difficilement compréhensibles, elles laissent donc à Google toute discrétion pour les interpréter et les modifier. »
Selon l’Autorité, le rôle de Google n’est pas anodin sur le web, et joue un jeu important auprès des internautes.
« Google régule […] l’interaction entre la face « annonceurs » et la face « internautes » au mieux de ses intérêts. Les éléments du dossier montrent toutefois que, par sa pratique, elle ne protège qu’imparfaitement les internautes et peut même les priver de sites aux modèles économiques innovants. Elle expose, en outre, les annonceurs à des Règles particulièrement opaques dont l’application est imprévisible et inéquitable. »
Précisant que le géant détient plus de 90 % des recherches effectuées en France et probablement plus de 80 % sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, l’Autorité lui reproche plusieurs choses : des Règles imprécises, des changements de position dans l’interprétation des Règles, et des modifications des Règles non transmises aux sites.
Un site trouble
L’Autorité admet que Google veut bien faire dans son intention et protéger le consommateur de services inappropriés. « L’objectif de protection du consommateur, affiché par Google, est parfaitement légitime mais il ne saurait justifier que Google traite de manière différenciée et aléatoire des acteurs dans des situations comparables. Google ne peut pas suspendre le compte d’un annonceur au motif qu’il proposerait des services qu’elle estime contraire aux intérêts du consommateur, tout en acceptant de référencer et d’accompagner sur sa plateforme publicitaire des sites qui vendent des services similaires » indique-t-elle dans sa réponse.
Google ira en appel
Mais Google ne l’entend pas de cette oreille. « Nos utilisateurs s'attendent à être protégés contre les publicités trompeuses et c'est à cela que servent nos conditions d'utilisation publicitaires, a précisé un porte-parole de la firme américaine. Selon lui, la coupure de Gibmédia était très clair. « Gibmedia diffusait des publicités pour des sites Web conduisant les utilisateurs à payer pour des services à des conditions de facturation qui n’étaient pas claires, détaille-t-il. Nous ne voulons pas ce genre de publicités sur notre plateforme, c'est pourquoi nous avons suspendu Gibmedia et renoncé aux revenus publicitaires pour protéger nos utilisateurs de conséquences dommageables. Nous ferons appel de cette décision. »