« Le cheveu frisé est beau ». Dans une vidéo de 3 minutes, deux Français à l’origine du mouvement « Hrach is beautiful », incitent les jeunes maghrébins aux cheveux frisés, dits « hrach » (rugueux), à s’accepter. Un format signé AJ+ français, lancé il y a près d’un an et qui fait partie des éditeurs de vidéos sur les réseaux sociaux, aux côtés de Brut. Dima Khatib, directrice générale de ces chaînes pour mobile – diffusées en quatre langues (arabe, espagnol, anglais et français) –, revendique sa filiation avec la chaîne d’information en continu du Qatar : « C’est le journalisme d’Al Jazeera que je transpose de la télévision traditionnelle à ces nouveaux médias digitaux, modernes et jeunes ».
Reportages de terrain
Créée le 4 décembre 2017, la version française a tout misé sur le mobile, premier écran de connexion au quotidien, et sur un mode de consommation de l’information tourné vers les plus jeunes. Le média produit des vidéos plutôt courtes (entre 30 secondes et 2 minutes 30), adaptées aux différents réseaux sociaux et rattachées à une actualité chaude. Pour alimenter leurs comptes Facebook, Twitter et récemment Instagram, la rédaction d’AJ+ français pilotée par Kheira Tami, rédactrice en chef, produit des reportages de terrain, mais aussi d’autres vidéos un peu plus longues, dans lesquelles un journaliste se met scène et contextualise l’information. Et toujours avec un message visuel et un habillage très fort. Un ADN qui a déjà séduit en France. « D'après Tubular Labs, la plateforme mondiale de mesure et d'analyse vidéo, AJ+ français cumule 18,4 millions de vues sur Twitter du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2018 », se félicite Dima Khatib. « D'après les données de Facebook, le nombre total de minutes visionnées a augmenté régulièrement au cours de l'année, en passant de 2 à 6 millions entre janvier et octobre, avec une pointe à 8 millions en mai dernier. »
Diversité et inclusion
S’adresser aux jeunes qui ne sont pas recroquevillés dans leur bulle, tel est le propos d’AJ+. Ses valeurs sont fondées sur le droit, la lutte contre les discriminations, la diversité et l’inclusion. « On construit ce produit avec l’audience. On est finalement notre propre audience. On n’est pas seulement là pour informer, on raconte des histoires de gens et on fait de chaque information, une histoire à raconter. On essaye d’aider les jeunes qui nous suivent à mieux comprendre leur réalité, pour prendre de meilleures décisions pour eux localement ». Le média dépasse même les frontières en proposant des sujets qui pourraient intéresser les Français et les francophones. La boucle n’est d’ailleurs pas encore bouclée. Dima Khatib, par ailleurs la seule femme directrice générale du groupe Al Jazeera, réfléchit déjà à une implantation en Afrique pour 2019.
Le Qatar suivi à la loupe
Alors que Doha organise pour 2022 le prochain Mondial de foot, AJ+ français est suivi de très près sur la condition des ouvriers immigrés construisant des stades au Qatar. Dans un article intitulé Quand AJ+ transforme une enquête sur la vie des ouvriers au Qatar en clip de propagande, Marianne a épinglé le média vidéo le 24 octobre en l’accusant de faire la promotion de son État-actionnaire malgré une apparence progressiste s’enquérant des conditions de vie ouvrières.