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Le Dijonscope, site indépendant de Bourgogne, cherche à réinventer l’information locale en proposant une approche sans concessions de la vie politique et économique régionale.

Pendant deux ans, elle a dû se colleter les réclamations de ses annonceurs, les problématiques d'emplacements publicitaires, les conflits d'intérêt... Mais depuis décembre, Sabine Torres, la fondatrice de Dijonscope.fr, a renoncé à toute publicité, et fait face à d'autres obligations: «Je viens d'avoir au téléphone un gros chef d'entreprise de la région, soupire-t-elle. Il était furibard parce que son nom apparaissait sur notre site et que tout le monde savait qu'il était abonné chez nous. J'ai dû lui expliquer que son identifiant Bernard B. n'était visible que par lui.» A 31 ans, la jeune journaliste, doit aujourd'hui gérer son millier d'abonnés en ligne en faisant œuvre de pédagogie. «Mais je ne mets plus toute mon énergie à aller chercher de la pub, souligne-t-elle, ce n'était plus tenable éthiquement et économiquement avec une ligne éditoriale de plus en plus polémique.»

Difficile en effet de faire un papier critique sur La Poste et de solliciter l'argent de la Banque postale. Aussi, même s'il compte 138 annonceurs et parvient à l'équilibre d'exploitation à la fin de 2011, le Dijonscope décide de passer en mode payant en 2012. Après tout Mediapart ne gagne-t-il pas de l'argent en ne comptant que sur ses lecteurs? Son président, Edwy Plenel, soutient le site bourguignon en proposant un échange de contenus une fois par semaine et, surtout, une offre d'abonnement couplée. Mais pas question pour le Dijonscope d'accepter, comme son aîné, les paiements par carte avec reconduction tacite. Il s'agit certes d'arriver à 3500 abonnés à la fin de l'été. «Mais j'ai besoin de l'adhésion du lecteur», estime Sabine Torres.

Pour ne pas se positionner de façon trop marquée à gauche, le Dijonscope cherche aussi un partenaire plus à droite, du type Altantico. Par souci d'ouverture, le site ne craint pas d'ouvrir sa page d'accueil aux témoignages de voix proches du Front national comme le Bloc identitaire, lorsque ce dernier est sous le coup d'une plainte du maire socialiste de Dijon, François Rebsamen, après la perturbation d'un conseil municipal. Mais le Dijonscope, qui se défend d'être un Dijon scoop, s'est surtout fait connaître par des informations qui revitalisent les médias de Côte d'Or. «On s'est intéressé aux lignes budgétaires “fêtes et cérémonie” du conseil général présidé par François Sauvadet [Nouveau Centre] – ce qui nous a valu d'être boycotté –, et aux déchets radioactifs non identifiés en Bourgogne, confie-t-elle. Et on a fait des articles pour dire que François Rebsamen avait des idées plutôt de droite sur la sécurité.»

Au Dijonscope, la moindre brève fait au minimum 3 000 signes. Avec dix journalistes, le site se concentre sur l'information à forte valeur ajoutée: «Chez nous, pas de faits-divers ni de comptes rendus sportifs; on ne suit pas le calendrier institutionnel et on n'écrit jamais la même chose que l'on peut lire ailleurs, poursuit Sabine Torres. On nous dit qu'on est subversif mais on ne fait que dire les choses telles qu'elles sont.» Pour faire entendre sa petite musique, le Dijonscope a aussi sa tactique: elle consiste à fuir la logique de réseau qui anime les cercles de notables en régions en refusant toute accointance, ne serait-ce qu'autour d'un cocktail. «N'importe quel être humain qui a partagé un verre avec un autre a une relation qui n'est plus la même…», estime Sabine Torres.

Le quotidien régional Le Bien public la regarde forcément avec suspicion. Mais son éditeur, le puissant groupe Ebra (Crédit mutuel), a perdu son procès en janvier 2012 lorsqu'il l'a attaqué pour concurrence déloyale. Motif: le site réalisait une revue du Web avec des liens renvoyant vers la version numérique du Bien public. Bien référencé à Dijon et en Côte-d'Or, le Dijonscope apparaissait au premier plan sur Google...

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