Dossier
Facebook et Twitter se sont imposés durant cette campagne comme des outils de communication politique incontournables. Décryptage avec Patrick Ruffini, directeur de l'agence Engage et webmaster de la campagne Bush-Cheney en 2004 aux Etats-Unis.

Est-ce essentiel pour les hommes politiques d'avoir une présence importante sur les réseaux sociaux, sachant que seuls 3% des internautes français suivent un candidat à la présidentielle sur Twitter et 5% sur Facebook ?

Patrick Ruffini. Les médias sociaux permettent aux candidats de s'humaniser, de se montrer sous un angle personnel. Même si des millions de personnes ne voient pas ce que les candidats font sur Facebook et Twitter, les campagnes les mieux conçues s'assureront que ce qui y est dit est suffisamment intéressant pour être repris par les médias traditionnels. Aux Etats-Unis, nous voyons des cycles entiers d'information provenir d'échanges sur Twitter. Et si le nombre de personnes qui suivent ces comptes est relativement petit, ce sont celles qui comptent le plus: les médias.

De plus, ce qu'un candidat dit sur sa page Facebook n'y reste pas. Le partage de ces contenus par des gens ordinaires a un effet multiplicateur énorme. Chaque semaine, des dizaines de millions de contenus échangés sur Facebook sont liés aux candidats à la présidentielle. Et ces contenus viennent des personnes qui influencent le plus votre vote, à savoir vos amis.

 

Les candidats à la présidentielle française ont-ils eu un usage innovant des réseaux sociaux?

P.R. J'ai l'impression que François Hollande a eu un usage très actif et intéressant de Twitter et Tumblr. D'ailleurs, Tumblr est vraiment en train de devenir, des deux côtés de l'Atlantique, une plate-forme de choix pour diffuser des images de la culture Web (des «mèmes») amusantes et virales.

Nicolas Sarkozy a, lui, utilisé des «badges», à la manière du réseau Foursquare, pour mobiliser ses supporters. Nous testons ce concept dans le cadre de la campagne présidentielle américaine, à travers la plate-forme Multiply, élaborée par l'agence Engage. C'est un moyen très efficace pour que les gens se prennent au jeu de l'activité politique. Ces récompenses sociales ne suffiront pas à faire d'un indifférent un militant, mais elles permettront de transformer de simples sympathisants en soutiens actifs.

 

Diriez-vous que la France est en retard dans ce domaine? Quelles sont les pratiques qui pourraient gagner la France d'ici à la présidentielle de 2017 ?

P.R. Les Français sont moins nombreux que les Américains (rapporté au nombre d'habitants) à suivre les candidats à la présidentielle sur les médias sociaux. Cela reflète la très forte croissance des réseaux sociaux ces quatre dernières années aux Etats-Unis, où ils sont devenus un média relativement mature. Par exemple, Barack Obama a cent fois plus de followers sur Twitter que le jour de son élection en 2008, et quatre fois plus de «J'aime» sur Facebook.

Du fait de la démocratisation et de la mondialisation des outils sociaux, tous les candidats, aux Etats-Unis mais aussi en France, ont désormais accès aux mêmes technologies et aux mêmes stratégies pour communiquer avec les électeurs. Je ne vois pas vraiment de différence dans la manière dont les candidats américains et français utilisent les différents médias sociaux. En revanche, aux Etats-Unis, ils touchent davantage de monde.

A mesure que les médias sociaux continueront de se développer en France, on peut s'attendre à ce qu'ils deviennent une vraie force politique impossible à ignorer. Aux Etats-Unis, la taille et l'ampleur prises par les médias sociaux sont telles qu'ils commencent à édicter les lois adoptées au Parlement.

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