«Nous nous félicitons que la direction de France Télévisions s'associe à cet élan d'indignation», a déclaré à Stratégies Loïc de La Mornais, président de la Société des journalistes (SDJ) de France 2, à la suite du communiqué du groupe public condamnant le 14 octobre «avec la plus grande fermeté les menaces et insultes proférées à l'encontre des journalistes d'Un Œil sur la planète à la suite de la diffusion du magazine intitulé "Un Etat palestinien est-il encore possible?".»
Cette émission, mise en cause par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), avait auparavant reçu le soutien du Syndicat national des journalistes, de l'Association du prix Albert-Londres ou de la Société civile des auteurs multimédias. Loïc de La Mornais indique par ailleurs qu'il n'a «pas de doutes sur le fait qu'aucune excuse ne sera présentée par la direction de France Télévisions», qui se prépare à recevoir l'ambassadeur d'Israël et le président du Crif au sujet de l'émission. «Bien au-delà des critiques habituelles, ces procédés visent à intimider et à empêcher le travail des journalistes. La direction assumera son devoir de protection de la liberté d'informer. Les rencontres avec le président du Crif et l'ambassadeur d'Israël seront l'occasion de le rappeler», indique de son côté France Télévisions dans un communiqué.
En début de semaine dernière, une assemblée générale de la SDJ de France 2 avait pourtant été chahutée. «Certains se sont émus que l'on reçoive aussi vite et avec autant d'automatisme les représentants d'un groupe de pression, témoigne Loïc de La Mornais. Si tous ceux qui ont un ressenti et ne peuvent arguer d'aucune erreur matérielle étaient systématiquement reçus par le président de France Télévisions, cela ferait beaucoup.» Le président de la SDJ de France 2 affirme néanmoins n'être «pas choqué» que la direction de France Télévisions donne des explications à un tiers, même s'il existe une personne mandatée à cet effet, à savoir le médiateur Nicolas Jacobs.
Peur sur les programmes
Cette polémique intervient alors que la SDJ de France 2 vient de monter au créneau suite à l'éviction du directeur de la chaîne Claude-Yves Robin, et son remplacement par Bertrand Mosca le 30 septembre. Invitant ce dernier à «réagir en urgence, en envoyant un électrochoc», la SDJ s'est immiscée dans les programmes en s'inquiétant des faibles audiences de France 2 (13,5% de part d'audience en septembre contre 15,2% un an plus tôt).
La direction de l'antenne, qui a d'ores et déjà mis fin à Sing off d'Alexandre Devoise après les quatre numéros prévus, fait face à un début de mois d'octobre difficile malgré le débat Aubry-Hollande du 12 octobre qui a réalisé 22,2% de part d'audience. Du 3 au 9 octobre, la chaîne affiche une part d'audience de 13,6% et s'est même fait battre par Gulli le 4 octobre en tombant à 4,3 points en prime time pour Un Monde six jeunes de Bruce Toussaint.
«Les programmes rejaillissent sur l'info via les magazines quand il faut caser les amis du pouvoir [Cyril Viguier sur France 3], et que par voie de conséquence on raccourcit Envoyé spécial et Complément d'enquête, deux émissions programmées ensemble. Forcément, ça ne marche pas», estime Loïc de La Mornais.
Le président de la SDJ ajoute que les audiences déclinantes du 20 Heures (sous les 19% d'audience) s'explique aussi par le fait que ce JT commence avec une grille «à 10% d'audience qu'il faut ensuite remonter, alors que TF1 démarre son 20 Heures à 23%.» Enfin, «des efforts sont demandés à tous les niveaux car il faut réaliser les reportages de plus en plus vite et faire beaucoup plus de choses à budget constant». Outre les journaux télévisés et les magazines, s'ajoutent la tranche du 13h-15h le week-end, Un Œil sur la planète et des opérations événementielles comme le mariage de Kate et William en juillet dernier.
Liberté d'informer
Loïc de La Mornais souligne aussi que la rédaction est «énervée par la qualité et le niveau des responsables de France Télévisions, dont l'organigramme compte 420 directeurs et directeurs délégués».
En revanche, souligne-t-il, le président de France Télévisions Rémy Pflimlin (nommé à la tête de France Télévisions par le président de la République en août 2010) a raison d'assurer que la liberté des journalistes de la chaîne est totale. «Je n'ai jamais eu sous les yeux de menace claire sur l'indépendance de la rédaction, ni de censure», déclare-t-il. En précisant notamment que les journalistes n'ont pas subi de pression par exemple sur l'affaire Karachi, où le nom de Nicolas Sarkozy a été cité.