Disons-le franchement: c'est une surprise, y compris pour l'intéressé lui-même [ATTENTE REACTION ANDRE ROUSSELET]. Qu'ils soient âgés de 18 à 30 ans ou de plus de cinquante ans, qu'ils soient hommes ou femmes, annonceurs, publicitaires ou «autre», les professionnels de la communication ont été unanimes à consacrer André Rousselet pour la création de Canal+, devant Xavier Niel, le fondateur de Free.
Preuve que les abonnés de Stratégies ont de la mémoire. Sans doute faut-il y voir la reconnaissance d'une réussite entrepreneuriale (le groupe Canal+ est aujourd'hui le premier groupe média en France), mais aussi celle d'un ton, d'une image, d'un marketing, bref d'une modernité qui persiste depuis 1984. André Rousselet avait alors soixante-deux ans.
Xavier Niel incarne, lui, le succès d'un Internet à la française: il est également un créateur, un fondateur, à l'instar de feu Jean Drucker (n°3), dont M6 est l'enfant qui a bien grandi, ou Serge July (n°6) dont Libération a accompagné la vie de toute une génération.
«On remarque la reconnaissance d'une fonction de création d'entreprise plutôt que le souci de saluer le "business man" ou le dirigeant, relève Benoît Tranzer, directeur général de Millward Brown. C'est assez américain dans l'approche: on reconnaît des hommes à la tête d'organisations qui ont bousculé l'existant.»
C'est encore le cas de Marc Simoncini et Jacques-Antoine Granjon, les fondateurs de Meetic et de Vente-privée.com, respectivement 12e et 10e de notre classement, qui réalisent de bonnes performances sur les femmes ou les jeunes et témoignent d'une nouvelle relation au consommateur.
Les femmes ont été également nombreuses à distribuer leurs meilleures notes à Christine Ockrent (4e), non pas bien sûr pour la direction générale de l'Audiovisuel extérieur de la France mais pour la présentation du premier journal télévisé réalisé par une journaliste femme en 1981 (sur Antenne 2 à l'époque).
Avec Patrick Poivre d'Arvor et Harry Roselmack, le 20 Heures porte d'ailleurs trois de ses représentants dans la partie haute du classement où la télévision est en position de force avec Hervé Bourges (7e), qui a présidé TF1 et France Télévisions, ou Patrick Le Lay (9e), l'inoubliable ex-patron de la Une.
On remarquera aussi la présence de deux hommes politiques, députés PS: Claude Évin, à la 5e place, et Michel Sapin à la 14e. L'un incarne, par sa loi sur le tabac et l'alcool de 1991, une modification des comportements et un profond changement dans la vie des communicants. L'autre a régulé, par sa loi de 1993, l'achat d'espace publicitaire en rendant plus transparentes les relations entre médias, agences et annonceurs.
«C'est une exception française qui n'est pas toujours comprise à l'étranger, mais qui a marqué et qui n'est pas si négative. Ça a créé des chocs et transformé la publicité», poursuit Benoît Tranzer.
Enfin, on peut s'étonner de la faiblesse des publicitaires lorsque le champ temporel s'élargit sur quarante ans. Le premier d'entre eux, Jacques Séguéla, n'arrive qu'à la 22e place [A VERIFIER], derrière Didier Truchot (19e), cofondateur d'Ipsos avec Jean-Marc Lech. Est-ce parce que la pub s'envole avec l'air du temps?
«Ils sont autocentrés sur leur métier, mais la reconnaissance est bien réelle dans les agences de publicité», console Benoît Tranzer. À cette aune, Jean-Marie Dru, le fondateur de BDDP, est le 25e du classement... mais le 5e chez les publicitaires.
