Année des médias 2010
Michael Wolff, journaliste à Vanity Fair et fondateur du site d'information Newser, a suscité la polémique cet été en prédisant la mort du Web. Il est par ailleurs le biographe de Rupert Murdoch, avec lequel il entretient des relations orageuses…

Michael Wolff, vous avez publié cet été avec Chris Anderson, dans le magazine Wired, un article titré «Le Web est mort». Qu'est-ce qui vous a mené à cette conclusion?

Michael Wolff. Une constatation très simple: on passe sa vie sur Internet, mais tout passe par des applications. On consulte ses messages sur son téléphone portable, sa tablette tactile, etc. La multiplication des réseaux sociaux, ainsi que la possibilité d'installer des flux RSS, font que l'on utilise de moins en moins le protocole Web. Du coup, on est passé ces dernières années d'un Web grand ouvert à des plates-formes semi-closes, comme Facebook, par exemple.

 

En plus de vos activités de journaliste pour Vanity Fair, vous avez également publié The Man Who Owns the News, une biographie de Rupert Murdoch. Vous avez enregistré plus de 50 heures d'interview avec lui. Pourquoi vous a-t-il accordé un tel accès?

M.W. C'est vrai qu'auparavant, jamais aucune biographie de lui n'avait été publiée. À l'époque où je l'ai rencontré, il venait d'acheter le Wall Street Journal, un moment important de sa carrière, et s'attendait peut-être à une hagiographie… Je me suis trouvé au bon moment et au bon endroit. Même si je pense que Murdoch regrette encore le jour où il a accepté de me parler!

 

Une phrase revient souvent dans la presse à propos de Rupert Murdoch: «Quand Rupert Murdoch parle, les choses se réalisent». Il est vrai que son discours de 2005 sur les «digital natives» était plutôt visionnaire. Conserve-t-il cette qualité?

M.W. Mais Rupert Murdoch ne comprend strictement rien à Internet et aux nouvelles technologies! Il n'a pas l'ombre d'une vision sur la question, ce sont les gens qui lui écrivent ses discours qui en ont une. Il sait à peine se servir d'un ordinateur et déteste Internet! J'ai écrit un article dans Vanity Fair en novembre 2009, intitulé «Rupert to Internet: It's War!», dans lequel je racontais le jour où Murdoch avait reçu [les confondateurs de Google] Larry Page et Sergueï Brin dans son ranch de Carmel, en leur demandant pourquoi diable ils ne lisaient pas de journal papier… Tout ce que Murdoch comprend, c'est le monde du print. L'idée selon laquelle il serait un grand prophète des médias est entretenue par sa propre société, News Corp, dont l'existence est entièrement consacrée au bonheur de son patron.

 

Dans le dernier classement Forbes des personnes les plus fortunées, Mark Zuckerberg est passé devant Murdoch. Lui qui abhorre Internet, comment le prend-il, d'après vous?

M.W. Il est énervé par quiconque est plus riche que lui, de toute façon… Je ne sais pas ce qu'il en pense, mais je suis certain en revanche qu'il fait la différence entre l'argent de Zuckerberg et le sien. La fortune de Zuckerberg est une possibilité, une virtualité. L'argent de Murdoch, lui, est bien concret. Murdoch peut aller chercher son argent à la banque. Mark Zuckerberg, non.

 

Murdoch a très mal réagi à la sortie de votre biographie, se plaignant auprès de vos éditeurs, vous menaçant, s'attaquant même à votre vie privée. Quels sont vos rapports avec lui aujourd'hui?

M.W. Inexistants. Mais même si je ne le vois plus, je n'en ai plus besoin, je sais tout sur lui. Je suis l'homme dans la tête de Murdoch! Je continue à écrire sur lui, je suis probablement le journaliste au monde qui écrit le plus sur Murdoch. Je continue inlassablement à le suivre à la trace…

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.

Lire aussi :