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Le Sénat a adopté le 28 octobre une loi visant à mieux protéger les droits d’auteurs des photographes, en encadrant la notion d’«œuvre orpheline».

«Le sigle DR signifie “droits réservés”. Mais, entre photographes, on les surnomme plutôt “droit à rien”…» Pour Frédéric Buxin, président de l'Union des photographes professionnels (UPP), la semaine du 25 octobre était l'occasion d'une bataille inédite: la protection des droits d'auteurs, souvent bafoués par l'appellation DR, qui fait florès dans la presse, l'édition et la publicité. Le Sénat y a remédié, le 28 octobre, en adoptant une loi encadrant la notion d'«image orpheline». Dans la foule des images signées DR, l'on trouve en effet bon nombre d'«œuvres orphelines», qualifiées ainsi parce que «l'auteur de l'image ou ses ayants droit n'ont pas pu être identifiés ou retrouvés».

Sauf que le flou artistique entourant la notion de «droits réservés» et d'«image orpheline» permet toutes sortes d'abus. Le célèbre photographe de guerre Sebastião Salgado, venu soutenir l'UPP lors d'une conférence de presse le 27 octobre, a ainsi eu la surprise de trouver en Russie, il y a juste quelques semaines, certaines de ses photos créditées par l'agence Novosti, avec laquelle Salgado n'a jamais été en contact… Autre exemple: on a pu voir dans les pages de la presse certains clichés fameux crédités «DR», comme cette célèbre image d'une manifestante devant la Maison-Blanche, brandissant une fleur afin de protester contre la guerre du Vietnam. Une image historique signée Marc Riboud, un grand nom du photoreportage.…

Pourquoi tant de désinvolture? Après-guerre, date de l'apparition de l'appellation DR, rappelle Frédéric Buxin, les éditeurs, en l'absence de signature d'une image, provisionnaient certaines sommes. Ils pouvaient ainsi rémunérer l'auteur au cas où celui-ci se faisait connaître. Mais depuis, et après les années 1970, qui furent l'apogée de la photographie, la micro-informatique a modifié les pratiques journalistiques, entraînant «une perte de professionnalisation dans la chaîne photographique», comme le déplore le président de l'UPP. «On compte de plus en plus de rédactions dans lesquelles le poste d'iconographe a été supprimé et où ce sont le secrétaire de rédaction, voire le rédacteur de l'article lui-même, qui cherchent leurs photographies…» Le raccourcissement des délais de remise copie implique que l'on ne perde plus de temps à rechercher l'auteur d'une photo. Une aberration, puisque, comme le souligne Frédéric Buxin, «aujourd'hui, la traçabilité de la viande va de soi, contrairement à celle des images, alors que sur tous les appareils de photographie numérique, les fichiers sont signés du nom de l'auteur».

Revaloriser la photo

La proposition de loi oblige les éditeurs à prouver qu'ils ont tout mis en œuvre pour retrouver l'auteur ou l'ayant droit d'un cliché. «La presse TV, par exemple, est une très grande consommatrice d'images “DR”, qui représentent 80% de son contenu iconographique», remarque Frédéric Buxin. «Avec cette loi, les éditeurs seront obligés de signer, autant que faire se peut, les photographies.» L'organisation professionnelle demande également la création d'un dispositif «permettant de rendre licite l'exploitation des œuvres orphelines, moyennant rémunération versée à un organisme agréé de gestion collective». En d'autres termes, une société des auteurs percevrait des droits de la part des éditeurs, droits gérés collectivement.
La profession soutient l'objectif de l'UPP: une pétition a déjà recueilli 14 000 signatures, parmi lesquelles celles de Yann Arthus-Bertrand, Dominique Issermann, William Klein, etc. L'initiative, selon Frédéric Buxin, vise avant tout à «revaloriser la photographie, à une époque où la photo ne vaut plus rien». Prochain chantier: celui des photographies «libres de droits».

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