«Lesquels de mes concurrents avez-vous interrogés?» Dans la presse poker, on a l'esprit de compétition. Aux côtés des vétérans Live Poker, Poker VIP et Poker magazine, des entrants ont fait leur apparition ces douze derniers mois, comme That's Poker, pour une cible jeune, ou Poker 52. Mais les briscards du secteur n'ont pas un âge canonique: Live Poker, l'un des plus anciens, n'a été lancé qu'en… 2006.
C'est que l'engouement pour le «jeu de guerre psychologique» est très récent. Les spécialistes s'accordent tous sur un point: 2003 est l'année où le poker explose. Le 24 mai, à Las Vegas, le championnat du monde de poker (World Series of Poker) bat son plein. À la surprise générale, c'est un non-professionnel du nom de Chris Moneymaker («Faiseur d'argent», ça ne s'invente pas) qui rafle la mise. Il exerce la profession de… comptable, n'est pas un habitué des tapis verts, mais s'y entend en poker en ligne. Ce qui ne l'empêche pas de plumer des joueurs professionnels alors qu'il n'a misé au départ qu'une somme dérisoire. «C'était la première fois qu'un anonyme remportait un tournoi d'une telle ampleur», explique Benoît Fechner, rédacteur en chef de Poker VIP (diffusion de 15 000 exemplaires, source éditeur). «Le poker est tout de même le seul jeu dans lequel on peut rafler 3 000 fois sa mise…» Autre date importante de la démocratisation du jeu: 1995, année où le producteur Bruno Fitoussi introduit, au sein de l'Aviation Club de France, l'un des cercles de jeux réputés en France, la variante la plus jouée dans le monde et la plus abordable: le Texas Hold'em.
Aujourd'hui, selon Georges Djen, directeur de publication de Live Poker (une diffusion de 15 000 à 20 000 exemplaires, source éditeur), on compte en France entre 1 million et 1,5 million de joueurs, avec un noyau dur de 300 000 à 500 000 passionnés.
Et le nombre d'aficionados pourrait encore grossir avec l'entrée en vigueur, en juin, de la loi libéralisant les jeux d'argent et de hasard en ligne. Le poker y représente la moitié des agréments accordés… De quoi faire naître des vocations et de fournir de nouvelles recrues pour la presse people? «Nos ventes n'ont pas explosé depuis la dérégulation», constate Georges Djen. «Acheter un magazine de poker, c'est vraiment l'étape ultime: notre cœur de cible, ce sont des joueurs expérimentés et passionnés. Les nouveaux arrivants doivent d'abord apprendre à jouer.»
Une renommée due à la télé
Quid de la pagination publicitaire de ces titres, dont le profil de lectorat (hommes de 18 à 35 ans, CSP+ et urbains) paraît attractif pour les annonceurs du poker en ligne, désormais autorisés à communiquer dans les médias? «Les nouveaux entrants communiquent beaucoup depuis la rentrée, mais la presse n'en est pas forcément le premier bénéficiaire», constate Benoît Fechner, de Poker VIP. Pas pour le moment, mais rien n'est joué.
Julien di Pace, publicitaire (ex-Euro RSCG, TBWA et Leg), vient de créer une agence de publicité et de marketing exclusivement consacrée au poker, Aces Group, qui sera lancée officiellement début novembre. À l'origine, un constat: «Dans les tournois, les sponsors sont exclusivement intra-poker.Il n'y a aucune raison que le poker, qui regroupe des joueurs CSP+ haut de gamme, ne séduise pas des annonceurs hors captifs, au même titre que le tennis et le golf.»
Alexis Laipsker, directeur de la communication de Poker Stars, leader mondial du jeu en ligne, anime La Maison du bluff, émission diffusée sur NRJ12 depuis le 25 octobre. «Les douze candidats sont en train de jouer pour déterminer qui doit faire le ménage…», s'amusait-il lors du tournage, à Marrakech (Maroc). Explosion du poker en ligne oblige, la moitié des candidats sont «castés» via Internet.
Si le poker s'est démocratisé, c'est surtout grâce à la télévision, avec des émissions comme World Poker Tour, commenté par Patrick Bruel.