Serait-ce le premier faux pas de Rémy Pflimlin? En s'en prenant à Mediapart, associé aux «dérives à la Big Brother», le 23 septembre au Club de la presse de Strasbourg, le nouveau patron de France Télévisions n'a pas seulement commis une maladresse. Il a aussi envoyé un signe au pouvoir, face à une affaire Woerth-Bettencourt qui l'embarrasse.
Dans son livre, France Télévisions [off the record]?, qui sort le 29 septembre, le journaliste indépendant Marc Endeweld rappelle que la relation de dépendance du groupe public avec sa tutelle est ancienne. En 2001, sous Lionel Jospin, Rémy Pflimlin, alors directeur général de France 3, acceptait de diffuser la cassette Méry contre Chirac dans le magazine Pièces à conviction. Mais les socialistes étaient alors censés rester au pouvoir…
La loi d'août 2000 devait pourtant donner davantage d'autonomie à la présidence de France Télévisions. «Elle avait été mise en place dans l'optique que la direction propose la stratégie à l'actionnaire, rappelle Marc Endeweld. Mais en 2001-2002, Bercy a imposé le couperet budgétaire, puis Jean-Jacques Aillagon [alors ministre de la Culture et de la Communication] a dit qu'il reprenait la tutelle.» Marc Tessier, président de 1999 à 2005, s'est alors vite rendu compte qu'il n'avait pas de réelle autonomie.
«On assiste depuis dix ans à un renforcement de la tutelle administrative, précise l'auteur. La diminution du financement par la publicité contribue à assurer l'établissement d'une grosse administration culturelle ingérable. Sarkozy, en voulant tout réformer, a finalement déstabilisé le groupe en permettant à l'ultraconservatisme et aux lobbies de gagner, qu'ils soient de Bercy, du privé ou de la culture, avec les producteurs.»
«Non-sens économique»
Outre l'influence des hauts fonctionnaires qui ne croient guère aux entreprises publiques et le poids des intérêts privés, Marc Endeweld dépeint un système qui vire au «non-sens économique» dès lors que 420 millions d'euros sont consentis à l'horizon 2012 aux producteurs sans réelles contreparties. Un peu à la façon des gros céréaliers de la Beauce subventionnés par Bruxelles, les grands producteurs ont ainsi intérêt à faire perdurer un système qui leur assure une rente de situation. Ils bénéficient d'une obligation d'investir dans la création quelles que soient les recettes, car l'État comptent sur eux pour assurer l'exception culturelle et alors que les produits dérivés échappent à France Télévisions.
«On privatise les profits et on laisse au contribuable les pertes», résume Marc Endeweld. Le plus grave? Cela limite la stratégie numérique et empêche le renouvellement des programmes susceptibles de rajeunir l'audience: elle est de 55 ans en moyenne, contre 45 ans à la BBC.