Régie
Martine Hollinger, qui vient d’être nommée présidente de TF1 Publicité, et Laurent Solly, qui prend ses fonctions de directeur général, expliquent la réorganisation de la première régie de France.

Claude Cohen avait la spécificité d'être un peu recul en tant que présidente… Comptez-vous, Martine Hollinger, vous retirer de l'implication au quotidien dans la régie?

Martine Hollinger. Non, je vais être opérationnelle. Laurent Solly a des valeurs que j'apprécie beaucoup. Nous avons des idées communes. Il a un esprit de synthèse formidable, il est rapide et je pense que, comme avec Claude, on pourra se comprendre rien qu'en se regardant. Laurent a des réseaux qui ne sont pas les miens et des talents de négociateur. Mon objectif est de lui faire mieux connaître le marché publicitaire et de lui déléguer peu à peu toutes mes fonctions. Il aura une vision un peu différente et pourra apporter des choses nouvelles. Guillaume Multrier, d'Aegis, ou Dominique Delport, d'Havas Media, montrent qu'on peut réussir dans une régie publicitaire en ayant réussi dans d'autres domaines. Pour ma part, j'ai aussi besoin de prendre davantage de recul. Je suis un peu omniprésente.

 

Laurent Solly, que comptez-vous apporter à la régie? Votre expérience des contenus, d'homme de réseaux…?

Laurent Solly. … de réseaux numériques (rires). Ce qui est marquant pour le groupe, ce fut la capacité de la régie à traverser l'année 2009. Je veux y apporter de l'ambition, de l'enthousiasme, la vision que j'ai de l'audiovisuel, la nécessité pour le groupe TF1 de continuer son mouvement, sa modernité. Je rappelle que je suis salarié de TF1 depuis trois ans. Je ne viens pas d'un autre monde. Je connais les problématiques vues du côté de l'éditeur et je travaille depuis deux ans et demi avec TF1 Publicité puisque les chaînes thématiques étaient portées en régie par TF1. Sur TMC et NT1, nous avons négocié main dans la main avec la régie, pendant des mois, auprès des autorités de la concurrence pour expliquer ce dossier d'une complexité rare. Nos valeurs communes tiennent à une même perception de l'évolution de ce métier, à la transformation rapide du marché et à une ambition: celle d'être un groupe audiovisuel leader qu'on développe dans tous les domaines, y compris la TNT, et sur tous les supports.


En 2009, le groupe TF1 n'a réalisé que 13 millions d'euros de recettes publicitaires dans le Web, contre plus de 1,4 milliard d'euros pour l'antenne. Voulez-vous corriger ce déséquilibre?

M.H. Notre enjeu est de nous développer dans le digital. L'idée est d'être davantage sur les opérations spéciales sur le Web. Nous sommes d'autant plus légitimes que la monétisation du «display» se fait beaucoup à travers la vidéo. Notre chiffre d'affaires numérique va bien évoluer cette année. En termes d'images, nous sommes peut-être un peu à la traîne, mais la réalité est que nous sommes largement devant M6 en ce qui concerne la catch-up TV. D'autre part, en matière de «brand content», ce que nous avons fait avec Télé foot, Coca-Cola et Bel est un bon exemple de ce que nous voulons faire dans un futur proche. Il s'agit de proposer des marques de TF1 à des annonceurs leur permettant de rayonner dans le Web et sur leur propre site. Le développement de services payants nous permettra de développer notre monétisation.

L.S. Toutes nos chaînes payantes sont accompagnées des nouveaux services additionnels que demandent les distributeurs et les consommateurs. Nous avons développé les signaux haute définition des chaînes Eurosport et Ushuaïa. Suivra en octobre la version HD d'Odyssée, chaîne qui va changer de nom. Et l'an prochain, toutes les chaînes payantes seront transformées en HD. De même, Histoire, Odyssée et Ushuaïa sont disponibles en catch-up TV pour les abonnés de Canalsat. Nous croyons indispensables de développer tous les services payants. Nous avons signé le service de télévision de rattrapage enrichi My TF1 avec Orange et nous proposons les cinq premiers matchs en 3D de la Coupe de monde de football via Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free. Comme il y aura de la publicité en 3D, la régie est au cœur de la réflexion. Nous devons être présents sur tous les supports.


Le groupe TF1 annoncé une augmentation de 13% de ses recettes au premier trimestre, après une baisse de revenus début 2009. Y a-t-il une tendance inflationniste des tarifs?

M.H. Nous sommes conscients que la crise n'est pas tout à fait finie et qu'il faut être prudent. Les annonceurs veulent continuer à voir les prix baisser car, dans leur esprit et en raison de la seconde coupure ou de la directive SMA, nous avons pléthore de place. Mais c'est faux. Sur le dernier quadrimestre, nous étions pleins. Nous voulons que nos clients trouvent une audience de qualité, la plus forte possible, et nous avons aussi besoin de retrouver de la valeur.

 

Considérez-vous être allés trop loin dans la baisse des tarifs?

M.H. Oui, bien sûr, mais nous n'avions pas le choix. Nous avons essayé de maintenir les prix au premier trimestre 2009, mais quand on a vu qu'on perdait beaucoup, nous avons dû segmenter notre offre publicitaire tout en gardant la valeur du pic d'audience. Nous avons annoncé une inflation de 2 à 3% en 2010 et espérons nous y tenir. Il ne peut pas y avoir que des déflations! Nous avons aussi des matières premières à acheter, qui sont les programmes et les droits.

 

Quelle visibilité avez-vous concernant le placement de produits?

M.H. Nous souhaitons une transparence entre les producteurs, les annonceurs et les régies avec des contrats tripartites. Nous avons lancé une offre sur les fictions du groupe TF1. On a envoyé une lettre aux producteurs en disant que nous souhaitions maîtriser le placement de produits. Notre première fiction a été signée la semaine dernière.


(encadré)

Laurent Solly, un proche de Sarkozy à TF1

A quarante ans, Laurent Solly, énarque, a commencé sa carrière au corps préfectoral. Après trois ans en tant que chargé de mission auprès de la direction de la coordination d'EDF, il rejoint le cabinet de Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, à la demande de son directeur de cabinet adjoint, rencontré en préfecture. Il fut ensuite le chef de cabinet du ministre, directeur de cabinet du président de l'UMP et directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. En juin de cette année, il devient directeur à la direction générale de TF1 avant d'être nommé, en octobre, PDG de TF1 Digital, holding des chaînes thématiques du groupe. «Mon engagement politique s'est arrêté le 6 mai 2007 à 20 heures», dit Laurent Solly.

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