La valse des jours de parution

Pour un peu, on ne s'y retrouverait plus… Depuis le 5 mai, L'Express a déserté le jeudi, sacro-saint jour de parution de ses confrères Le Point, Le Nouvel Observateur ou Paris Match, pour être désormais en kiosques le mercredi. Une approche qui n'a pas pour but de damer le pion à ses concurrents, mais répond à une logique «totalement commerciale», selon son directeur exécutif, Éric Matton. «L'an passé, du fait des ponts du mois de mai, nous nous sommes trouvés obligés de paraître le mercredi, explique-t-il. Et là, surprise, nous avons réalisé de très bonnes ventes.» S'ensuivent une série de tests, à Paris et en région parisienne, puis au niveau national, qui confirment la martingale: «En sortant le mercredi, nous optimisons le nombre de jours utiles en kiosques, quatre au lieu de trois, ennous assurant un premier jour très fort en termes de vente. Cela nous permet aussi de conserver le jeudi.Une stratégie très peu onéreuse, un changement de jour ne coûte rien.»

En janvier 2004, L'Express avait été moins inspiré en choisissant de paraître le lundi, «du coup, nous n'étions pas vécus comme le premier hebdomadaire de la semaine, mais comme le dernier», se souvient Éric Matton. «La lecture des news est devenue une lecture du week-end.»

Cela n'a pas toujours été le cas. «Il fut un temps où tous les news paraissaient le lundi, rappelle Jean Minost, directeur du département presse, affichage et cinéma chez Havas Media. Pour un lectorat masculin, actif et avide de sujets économiques, cela permettait de démarrer la semaine sur une note d'actu chaude. Puis, petit à petit, l'éditorial des news s'est modifié, avec plus de culture, de sujets styles et magazines, avec un lectorat de plus en plus féminin.»

La presse féminine et people a vécu la même révolution copernicienne. L'on trouvait traditionnellement son Elle et ses magazines people dans les kiosques le samedi. Ces titres ont eux aussi basculé en fin de semaine: le jeudi pour Envy, le vendredi pour Elle, Grazia, Be et Public, le samedi pour Voici, Closer et Oops. «Les féminins ont énormément joué sur leur jour de sortie. Dans une offre de plus en plus pléthorique, il s'agit de se différencier», souligne Sophie Renaud, directrice de l'expertise presse de Carat.

Une toute récente étude de Presstalis (ex-NMPP) sur les comportements d'achat le confirme: on achète surtout le lundi et, du fait de la présence de la presse en grandes et moyennes surfaces, pendant les courses le samedi. Si l'on en croit la répartition des tickets de caisses par jour en janvier-février 2010, le lundi atteint un pic avec 17 % des ventes, comme le samedi (voir tableau).

Attention quand même au risque de confusion

Mais c'est la fin de semaine qui est de plus en plus importante en termes de vente: le vendredi-samedi monte à 29% du fourni (nombre d'exemplaires livrés dans les kiosques) en 2009, contre 17% en 2004, tandis que le lundi concentre 35% du fourni, contre 42% en 2004. «Deux types de lectures coexistent, estime Jean Minost. Une lecture où l'on rentre confortablement dans son titre, comme les news ou la presse féminine haut de gamme, et une lecture zapping, où l'on prend et l'on reprend son titre tout au long de la semaine, comme c'est le cas pour la presse TV ou les féminins populaires, en kiosques le lundi.»

Gala a un temps été victime d'une valse hésitation: le 16 février 2009, Prisma Presse décidait de le sortir le lundi en lieu et place du mercredi afin de bénéficier du trafic en magasins dû à la parution des hebdomadaires de télévision. Une fausse bonne idée: Gala accuse en 2009 une baisse de sa diffusion (–12,8 %), à 268 347 exemplaires. Le titre n'est plus porté par la vague des féminins et a perdu en réactivité par rapport à ses concurrents. Du coup, il a redressé la barre en revenant dès l'été à une parution le jeudi, ce qui lui a permis de réaliser une progression de 20% de ses ventes entre septembre et décembre. «Les lecteurs ont de moins en moins d'habitudes quant aux jours de parution, constate Sophie Renaud, de Carat. Mais à trop vouloir en changer, on risque la confusion.»

Recapitulons, donc: le lundi, c'est le jour des hebdomadaires TV, le mercredi, celui de L'Express et de Paris Match, le jeudi, celui du Nouvel Obs et du Point, le vendredi, celui des féminins haut de gamme et des people, le samedi Marianne, Voici et encore des people, ainsi que les suppléments du week-end. Reste un territoire vierge pour les sorties en kiosques: le mardi, parent pauvre de la semaine.

Les achats presse au fil de la semaine