Pour fêter ses dix ans, Canalchat réunit quatre professionnels –Pierre Haski (Rue89), Cécile Jolly (Adecco), Fred Cavazza (consultant), Edouard de Pouzilhac (5e Gauche) et leur propose, avec Stratégies, de débattre le 27 mai dans le cadre d’un tchat-vidéo sur le thème « Dix ans d’interactivité, échanges fertiles ou poudre aux yeux ? ». Dés à présent posez vos questions. Introduction au débat avec Jean-Marc Solal, directeur de Canalchat.
ll y a dix ans on parlait d’interactivité pour désigner les bornes. Aujourd’hui elle est synonyme de « conversation », quelle est votre définition de l’interactivité ?
Jean-Marc Solal. Notre définition n’a pas fondamentalement changé : c’est toujours l’interaction entre une, ou quelques personnes, et un public. Un échange synonyme de dialogue et de direct, non pas sans intermédiaire, mais avec une médiation très discrète.
Qu’est ce qui a changé en dix ans ?
J.-M.S. Nous avons évolué depuis l’idée de départ. On pensait qu’on allait faire des chats avec les médias, les journaux, les chaînes, internet et même devenir un nouveau média de dialogue avec ceux qui font l’actualité. Mais on n’a pas trouvé là de modèle économique.
Nous avons évolué avec le business, avec les entreprises.
Le chat s’est révélé très vite être une force d’intermédiation très utile pour les RH, pour le recrutement. C’est un processus d’information qui accompagne un processus de recrutement. Avec un échange de rôle amusant au passage : ce sont les RH qui sont sur le gril, et les candidats qui posent des questions.
Au début nous travaillions sur le site de chaque entreprise, puis nous avons créé une marque, « En ligne pour l’emploi ». Il s'agit d'un site événementiel bimestriel avec une grille de programmes sur cinq jours dans laquelle s’inscrivent une vingtaine d’entreprises qui ont des jobs à proposer. Grâce aux partenariats noués avec l’Apec ou Pole Emploi, on apporte à ces recruteurs une audience significative.
Le tchat est aussi devenu un outil de communication interne court-circuitant les médiateurs traditionnels, les comité d’entreprise, les délégués du personnel. Avec quels succès, et quelles limites ?
Toutes les entreprises s’y mettent. En temps de crise, le besoin de communiquer en direct est plus fort. On a accompagné Addeco dans toutes ses restructurations en 2008 – 2009. Pendant l’élaboration des plans de sauvegarde de l’emploi, tous les mois, les Ressources Humaines dialoguaient en direct avec les entites. Avec quelques règles : respecter les prérogatives légales des instances de représentation et choisir les questions intéressant tout le monde, en écartant les questions personnelles.
Installer des relations directes et dans le même temps s’interposer, choisir les questions : une interactivité sous surveillance peut elle être viable ?
J.-M.S. Le chat, le dialogue en ligne, obéissent aux mêmes règles que l’échange en présence : oui, il faut des relais. Il faut une distribution de la parole comme dans une salle, on ne peut parler tous ensemble sinon on ne s’entend plus. Simplement, pour que la médiation fonctionne, il faut être sincère. Expliquer les règles du jeu en préalable, dire comment fonctionne la modération, et jouer le jeu.
On a un rôle de conseil auprès des entreprises qui font de la relation clients ou de la communication interne, on leur dit « prenez les vraies questions, pas d’eau tiède, sinon ca se retourne contre vous »
La fonction « commentez » au bas des articles sur les sites de presse fait partie des « flops » de l’interactivité. Qu’est ce qui ne « marche » pas en matière de dialogue avec l’internaute, et pourquoi ?
J.-M.S. Il ne suffit pas d’ouvrir un nouveau canal pour qu’il y ait un dialogue interessant. Il faut penser aux écluses, au tri, à l’organisation de cette expression. Les tribunes et forums qui se sont créés avec l’idée qu’allait naître spontanément un livre, un programme politique etc… Ca ne marche pas.
Ceux qui s’en tirent sont ceux qui ont prévu en amont la façon dont ils allaient tirer parti de ce que les gens allaient dire. En revanche, les autres ont entrainé une vraie déception. La modération, la médiation sont nécessaires.
Et finalement c’est une bonne nouvelle pour les journalistes qui voient là leur rôle réaffirmé. Un rôle plus axé sur la médiation que sur la production d’info.
L’écrit, dans l’échange en ligne, c’est daté, dépassé ?
J.-M.S.La vidéo a fait son entrée dans le tchat, mais l’écrit garde sa place. Quand une entreprise s’adresse à des publics externes, elle utilise la vidéo. Les gens l’attendent. Mais nous militons pour que le texte demeure, parce qu’on en fait pas de la télé sur internet. Le dispositif asymétrique – questions par écrit / réponse filmées- a du bon. C’est un peu la revanche du taiseux, dans la lignée du CV anonyme.
Et puis ca va avec le mode de consommation du tchat. Personne ne regarde une vidéo d’une heure.
En revanche on peut poser une question par écrit, aller voir son mail, revenir et reprendre le fil du tchat grâce à l’écrit.
Quelles sont les tendances d’évolution des tchats ?
J.-M.S.Deux tendances : On va voir de plus en plus de medias dans les tchats, de la vidéo, des slides, du rich media… Et on va enregistrer une demande croissante pour un dialogue de plus en plus immédiat et riche. Peut être un peu contradictoire… Mais c’est cela qu’il va falloir conjuguer, en continuant à fuir le compassé du plateau télé et la langue de bois.