Les régions fourmillent d’idées et d’événements pour faire parler d’elles, de leurs territoires. De quoi faire mentir le géographe Jean-François Gravier, auteur de l’expression «Paris et le désert français».
« Il n’y a plus de diagonale du vide. L’attractivité économique de la France se confirme, portée par les régions. » Ces mots sont ceux de Nicolas Doze sur BFM Business le 5 mai 2024. L’éditorialiste déroule le propos avec des exemples d’entreprises étrangères qui déploient, en France, des millions d’euros. Ainsi, selon la Banque des territoires, cinq régions françaises comptent parmi les quinze les plus attractives en Europe : Île-de-France, Hauts-de-France, Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie. Et puis il y a cette énergie qui vient de l’intérieur, du territoire lui-même, des acteurs déjà implantés, et ce, sur tous les fronts : culturel, économique, touristique, écologique… Une myriade d’événements et d’acteurs dopent l’attractivité des territoires. Focus sur treize activateurs régionaux d’attractivité.
Manufactures de Layette (Auvergne-Rhône-Alpes)
16 octobre 2024, encore un post de Karine Renouil-Tiberghien. « Et hop, première collab avec Promod », écrit la copropriétaire des Manufactures de Layette. Omniprésente sur LinkedIn, cette entrepreneure se mobilise depuis neuf ans pour relancer le textile made in France. Avec ses cinq manufactures reprises et regroupées, elle a sauvegardé 80 emplois. Et ce chiffre aurait même pu être plus important, avec les entreprises qui gravitaient autour. « Au moment du covid, il y a eu un vrai rebond du textile français, avec la fabrication des masques, explique-t-elle. Nous avons vu quelques ateliers de confection se recréer. Mais montés sur un marché fort, ils ont eu du mal à transformer l’essai. »
Marché du haut de gamme, du bébé, des textiles spécifiques avec les orthèses, ses confections sont aujourd’hui présentes dans les rayons de Promod et Be Camaieu (qui reprend vie) ou bien encore chez La Redoute. « La demande cartonne. La Redoute a déjà sollicité un réassort, quand la saison du froid n’a pas encore commencé. » Des emplois de demain pour Roanne et Sainte-Agathe-la-Bouteresse, les deux sites de production. Leur sort est entre les mains des consommateurs.
Le Golden Coast Festival à Dijon (Bourgogne-Franche-Comté)
H.I.P. H.O.P. Prononcées une par une, ces lettres ont marqué la génération des années 80. Avec la première édition du Golden Coast Festival, les 13 et 14 septembre derniers, le hip-hop revient sur le devant de la scène et donne une coloration particulière à Dijon, quarante ans plus tard. Le hip-hop, ou plus exactement sa branche musicale : le rap. « La France est le deuxième marché mondial pour cette musique, commente Christian Allex, directeur de l’événement. Depuis le covid, elle explose. Or, il n’y a jamais eu de festival dédié. Les jeunes qui avaient 15 ans au moment du covid ont maintenant l’âge d’aller en salle de concert. »
Stratégie gagnante pour cette première édition : 52 000 festivaliers réunis en deux jours, les hôtels pris d’assaut. Un camping a été ouvert en dernière minute, avec 2 500 places. « 70 % des visiteurs sont venus de l’extérieur du territoire. De quoi laisser entrevoir une marge de progression du public local. » L’édition 2025 est déjà dans les tuyaux, avec l’ajout d’un troisième jour. Budget total : 5,5 millions d’euros.
Le Salon de l’herbe et des fourrages de Nouvoitou (Bretagne)
À Nouvoitou (Ille-et-Vilaine) en 2024, prévu à Villefranche-d’Allier (Allier) en 2025, le Salon de l’herbe et des fourrages a l’âme vagabonde, mais toujours dans les régions d’élevage françaises. Le troisième lieu se trouve près de Nancy. En vingt-cinq ans, cet événement outdoor a réussi à trouver sa place. 35 000 personnes l’ont fréquenté cette année. 80 % des visiteurs font jusqu’à trois heures de route. Cette manifestation draine loin. « L’herbe est la première culture de France avec 12 millions d’hectares, contre un peu plus de 10 millions pour le blé, souligne Frédéric Bondoux, fondateur de Profield Events Group. Dans les Ardennes, le Massif central ou le Morvan, il n’y a que de l’herbe. »
Chaque année, environ 150 exposants s’installent pour une semaine sur ce salon à ciel ouvert. Des mètres carrés entiers sont cultivés pendant l’année précédente pour présenter les cultures à maturité… « Nous reconstituons les conditions du champ de l’agriculteur, commente encore Frédéric Bondoux. Une dizaine d’entre eux interviennent sur site, pour l’ensemencement, le suivi des cultures… et pour tondre l’allée centrale. » Idée piquée à Ikea : une allée unique de 30 mètres de largeur sur 2 km de longueur. « Ce salon est conçu comme un magazine, avec de l’information et des pages de pub, avec les exposants. »
La campagne « Simplement grandiose » (Centre-Val de Loire)
Le comité régional du tourisme du Centre-Val de Loire communique au rythme des saisons, à la manière de la haute couture. Et la dernière campagne en date, « Simplement grandiose », a été mise en ligne en mars et avril. Avec de beaux résultats à la clé, puisque 64 000 vues ont été recensées. Cette exposition est multicanale : l’opération va de pair avec une campagne d’affichage dans le métro parisien, menée par le conseil régional.
Le festival Creazione de Bastia (Corse)
Les chants polyphoniques de Corse ont depuis longtemps conquis l’Hexagone. Et au-delà. Le festival Creazione entend à son tour développer la création polysémique, avec cette fois la mode, le design, la musique, les produits du terroir… En dix ans, cette formule a trouvé son public. « Nous avons pas mal de beau monde », se félicite Andrée Antoni, chargée de tourisme de l’office du tourisme de Bastia. Et de citer Germès, Bella Tchix, Oia creazione, Karma Koma… L’objectif : « Donner l’envie de créer pour ensuite s’exporter et gagner des marchés. »
Le musée d’Art moderne de Troyes (Grand Est)
En travaux depuis 2018, partiellement ouvert depuis 2023, le musée d’Art moderne de Troyes offre, depuis le printemps, une nouvelle présentation des quelque 2 000 œuvres collectionnées par deux industriels locaux, Pierre et Denise Lévy. Le bâtiment a été rénové et le jardin redessiné, pour mettre en avant Courbet, Modigliani, Braque, et toute l’histoire de l’art depuis la seconde moitié du XIXe siècle. En six mois, 40 241 visiteurs ont répondu présents, dont 51 % extérieurs au territoire. « Un chiffre qui égale les plus grandes performances sur une année, se réjouit Marc Sebeyran, premier adjoint au maire, en charge notamment de la culture. Aussi bien que l’exposition Renoir. »
Le Series Mania Institute de Marianne Guillon (Hauts-de-France)
Merci Netflix… « La dynamique du secteur de la série TV ne se dément pas depuis dix ans, note d’entrée de jeu Marianne Guillon, directrice de l’établissement. Il est créateur de valeur. D’où un besoin de main-d’œuvre en progression. » Par conséquent, il faut former. Ainsi est né en 2021 le Series Mania Institute, qui se veut « moins élitiste que la Femis parisienne », avec un pas fait en direction des publics décrocheurs et un partenariat avec Sciences-Po Lille. Le développement de cet établissement s’appuie sur le succès du festival Séries Mania à Lille, « un des seuls endroits où l’on voit des séries sur grand écran ».
Le Forum de l’économie légère (Île-de-France)
Engagé, Serge Orru l’est. À l’initiative du Grenelle de l’environnement, il a été président de WWF France. Avec ce forum, celui qui se définit comme « un influenceur pour la planète vivante » cherche une nouvelle fois à faire réfléchir sur la façon de produire autrement, pour réduire l’impact sur l’environnement, sur le climat, sur la santé… « Cela n’a rien de neuf, reconnaît-il, mais vu la force de l’inertie ou des habitudes, il y a matière à déployer de l’ingéniosité pour produire de façon écologique. » 200 spectateurs ont assisté à ce premier forum, organisé le 3 octobre dernier, qui va se décliner en région. Bretagne ? Occitanie ? Le choix n’est pas tranché pour cet événement qui a eu une large couverture médiatique, avec 60 articles dans la presse.
La campagne « Prenez le rythme des marées » (Normandie)
Quatrième campagne de communication consécutive pour l’office du tourisme de Granville Terre et Mer, un dispositif 100 % digital pour parler des 32 communes du territoire. Lancée en mars, elle s’est arrêtée pour l’été, avant de reprendre en septembre-octobre. La cible ? Le hors-saison. « Une opération de communication à l’esprit pionnier, explique Estelle Cohier, chargée de communication et social media, puisque les habitants – les touristes du coin de la rue – constituent la cible prioritaire. Il nous faut penser leur satisfaction en désaisonnalisant le tourisme, pour une hospitalité équilibrée. »
Un discours qui correspond à cette petite voix qui commence à se faire entendre dans les sites bousculés par le tourisme de masse. Et la baseline « Terre et Mer » a vocation à équilibrer aussi les flux géographiquement, sur tout le territoire, parce qu’il n’y a pas que les marées ! Près de 6 millions de personnes ont été touchées par cette campagne.
La Maison des professions libérales (Nouvelle-Aquitaine)
Quand le régional prend le pas sur le national. Au 51-53, boulevard Wilson à Bordeaux, l’enseigne est déjà posée sur la façade. Il y a même un jeu-concours annoncé sur les réseaux sociaux. Mais le lancement du réseau national des Maisons des professions libérales a pris du retard. Prévu fin 2024, il se fera début 2025. Ce lieu a vocation à être l’interlocuteur privilégié des 150 professions libérales recensées, de la création jusqu’à la cession de l’activité, pour aborder le développement d’un site internet, la tenue de la comptabilité… La Nouvelle-Aquitaine compte 20 000 professionnels libéraux.
Bertin Nahum et son écosystème (Occitanie)
Une, deux, trois sociétés. Bertin Nahum a monté trois entreprises différentes depuis 2002, toutes orientées dans la robotique médicale : le genou en spécialité pour la première, le système nerveux central pour la deuxième, les tumeurs abdominales pour la dernière. Son nom : Quantum Surgical. Trois entreprises, mais un seul lieu : Montpellier. « En quelques années, cette ville est ainsi devenue un pôle de robotique médicale, avec 450 emplois directs, explique-t-il. Des start-up ont essaimé, avec un vrai écosystème de l’innovation. » Preuve de cette dynamique, s’est tenue en octobre la première conférence sur la « med robotics place », avec 32 intervenants sur scène, 14 pitchs de start-up, et pas moins de 200 observateurs dans le public. « Avec la faculté de pharmacie, les écoles d’ingénieurs, l’incubateur, le terreau est propice, explique Marie-Anne Péchinot, à la barre pour cette première. Et l’idée est de continuer à attirer des talents. Un écosystème s’est créé autour de Bertin Nahum. »
Sarthe Me Up (Pays de la Loire)
Lancé en 2013, quand le marketing territorial se faisait encore rare, ce slogan se décline à travers différentes campagnes pour porter l’attractivité de ce territoire situé à moins d’une heure de Paris. Et rebelote en post-covid. Les Franciliens sont clairement la cible recherchée. Mais pour quels effets ? « Difficile de les mesurer, commente Manuel Mathonnière, directeur de la communication du département. Une collectivité n’a pas forcément les moyens de décortiquer la notoriété – surtout avec un pareil projet de loi de finances… Mais occuper le terrain, ne pas disparaître des écrans radar est important. » Aussi le titre de monument préféré des Français récemment décerné au circuit des Vingt-Quatre Heures du Mans n’est-il pas pour déplaire au dircom, même si « c’est un lieu qui n’est plus dopable. Il affiche complet huit mois avant les Vingt-Quatre Heures ! Les places partent en une heure. »
La campagne de l’université d’Aix-Marseille, marque employeur (Provence-Alpes-Côte-d’Azur)
Première fois pour l’université d’Aix-Marseille et première fois pour une université de l’Hexagone… que cette campagne de communication qui s’affiche – en 4x3 – jusque dans 42 stations du métro parisien, non sans une pointe d’humour ! « Paris, Paris, on t’embauche ! » À la lecture, on a la petite musique en tête. « Face à un vrai déficit de notoriété, face à des difficultés à recruter, l’université d’Aix-Marseille lance sa marque employeur, explique Marie Renaudeau, directrice adjointe de la communication. Nous sommes un gros recruteur de la région. »
En 2023, 500 embauches ont été réalisées. Même chose, peu ou prou, en 2024. « Nous nous voulons attractifs pour nos étudiants et nos personnels – et ils sont 8 000 –, avec la semaine en quatre jours (ou quatre jours et demi), une vraie qualité de vie au travail… Le but recherché était de faire parler de nous, de montrer notre existence. Cela marche, même si certains Marseillais voient d’un mauvais œil d’aller aussi loin – géographiquement – pour communiquer sur nous. » Budget alloué à cette campagne qui comprend podcasts, vidéos, affichage… : 470 000 euros.