Arthur Millet, directeur général de L’Alliance digitale, et Olivier Daufresne, directeur du CESP, évoquent la nécessité d’une mise en commun des indicateurs de la mesure de la performance dans le retail media afin de permettre des arbitrages cohérents pour les annonceurs. Un article également disponible en version audio.

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Far West. C’est le terme qui est revenu plusieurs fois, lors des différents échanges avec les professionnels du retail media, pour illustrer la complexité de l’écosystème, sur fond de fragmentation des offres, avec des formats dits « on-site » (les campagnes déployées sur le site e-commerce du retailer) et des formats off-site (en dehors de l’écosystème du retailer). Pour certains annonceurs, le retail media est un eldorado dans lequel il faut absolument investir, tandis que d’autres abordent ce récent levier publicitaire avec plus de prudence. Et pour cause, il existerait autant de méthodes de calcul des multiples indicateurs (KPIs) que de régies publicitaires spécialisées.

« Aujourd’hui, il y a beaucoup de méthodologies de mesures, on en a recensé une soixantaine pour sept ou huit régies principales, le problème c’est que les chiffres sont souvent calculés d’une manière différente », expliquait Idalgo D’Ambrosio, responsable du pôle efficacité digitale de l’Institut de liaisons des entreprises de consommation (Ilec), sur la scène du Stratégies Retail Media Summit, le 29 mai 2024. Par exemple, le périmètre de la campagne diffère d’une régie à l’autre : certains distributeurs intègrent ainsi d’autres produits que celui mis en avant par la campagne (l'« effet de halo »). La « fenêtre d’attribution » (la durée de prise en compte de la campagne) est, elle aussi, changeante, en fonction du type de produit. Enfin, la définition de « nouvel acheteur » fait débat.

Actuellement, il existerait des disparités telles dans les méthodes de calcul que celles-ci ne permettraient pas de comparer les résultats entre régies, sur de mêmes indicateurs, et donc de justifier des arbitrages médias au sein des directions marketing. Les annonceurs font part d’un besoin de réassurance dans la mesure de la performance du retail media. Si le monitoring du ROI n’est pas clarifié, cela pourrait freiner, à terme, la croissance de ce segment du marché publicitaire. Et ce, alors que le retail media s’est montré particulièrement dynamique ces dernières années (avec une progression fulgurante de +32 % en 2022 et +24 % en 2023, d’après le SRI). Notons que le retail media représente aujourd’hui 12 % des investissements publicitaires digitaux en France.

Mise à niveau

Des initiatives visent à favoriser le développement du retail media avec une mise à plat de sa mesure. L’Alliance digitale joue un rôle clé dans la structuration de ce nouveau marché avec ses plus de 300 entreprises membres, dont une bonne partie (plus de 80) est impliquée dans le retail media. « C’est la conquête de l’Ouest mais chacun part avec sa diligence et son matériel », métaphorise Arthur Millet, directeur général de l’organisation interprofessionnelle. Car chaque acteur est en train de se mettre à niveau d’un point de vue technologique. En effet, les sites web des retailers ont d’abord été construits autour de leurs problématiques commerce et non autour de ce nouvel enjeu publicitaire.

Pour Arthur Millet, il n’est pas question de parler de standardisation de la mesure (qui impliquerait une uniformisation contraignante pour les acteurs) mais plutôt d’harmonisation en commençant par se mettre d’accord sur les définitions des KPIs comme, par exemple, sur la notion d’ « incrémentalité » (le volume de ventes attribuable à une campagne de retail media) et celle de retour sur investissement ROAS (« Return On Ad Spend », le chiffre d’affaires généré pour chaque euro investi dans la campagne). Pour le spécialiste, mettre les acteurs autour de la table permet aussi à chacun de faire acte de transparence sur les subtilités de ses propres méthodes de calcul.

Au sein de la Commission retail media de l’Alliance digitale, trois groupes de travail ont ainsi été créés, réunissant retailers, adtech, agences et régies. L’un de ces groupes a collaboré pendant plus d’un an sur la mesure. Au bout du compte, un référentiel commun, sous forme de livre blanc, a été publié en avril. « Le référentiel pose un cadre, que tout le monde partage, pour une vision holistique », résume Arthur Millet. Grande avancée : le référentiel de l’Alliance digitale ainsi que celui de l’Ilec (co-construit avec Publicis Commerce) ont servi de base au Centre d’étude des supports de publicité (CESP), sollicité par l’Union des Marques et l’Udecam fin 2020, pour la création d’une certification des régies de retail media.

Régies certifiées

Cette toute première innovation, française, baptisée « eRetail Data Trust », a été présentée au marché, le 11 octobre. « C’est une première étape. La certification, par un acteur indépendant et fiable, apporte de la compréhension et de la cohérence », commente Arthur Millet qui évoque également la préparation d’un label européen par l’IAB. Ce filtrage par un tiers de confiance répond à une attente des annonceurs qui, jusqu’à présent, ne pouvaient pas vérifier par eux-mêmes la véracité des données fournies et donc, in fine, savoir si leurs investissements sont bien fléchés.

En cours de déploiement, la certification du CESP évaluera les solutions de retail media d’après une grille rigoureusement bâtie. « La certification des régies publicitaires sera établie annuellement et des contrôles seront réalisés tous les trois mois », éclaire Olivier Daufresne, directeur associé du CESP. Une première liste des régies certifiées devrait voir le jour en janvier 2025. La certification couvre les bilans de campagnes activées sur le site du distributeur ainsi que celles sur les sites partenaires, intégrant une méthodologie d’A/B test pour évaluer les ventes incrémentales.

Les régies publicitaires certifiées auront l’obligation de fournir des informations précises sur les performances des campagnes (notamment le Roas [retour sur investissement d'une campagne], le taux d’ajout au panier, l’effet de halo). Des améliorations futures visent à élargir la certification à des critères de ciblage et à renforcer le contrôle de la visibilité des campagnes. La confidentialité des données est également assurée, avec un engagement à ne pas divulguer d’informations sensibles. Si cette nouvelle certification du CESP est très bien accueillie dans l’univers du retail media, Arthur Millet souligne néanmoins qu’elle aura un coût non négligeable pour les régies publicitaires. En effet, elles devront débourser 30 200 euros pour obtenir cette certification, à renouveler chaque année.

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