Quand la diversité s’affiche dans des secteurs valorisés comme la tech, on applaudit la démarche inclusive. Mais dans les métiers de la propreté, cette même diversité crispe.

En 2024, la diversité est célébrée… jusqu’à ce qu’elle touche les métiers du ménage. Ce malaise en dit long sur le mépris persistant envers ces professions essentielles. Wecasa l’a appris à ses dépens : si la diffusion de campagnes publicitaires sur la coiffure ou les massages ne soulève aucune polémique, dès qu’il est question d’aides ménagères, des critiques virulentes fusent sur les réseaux sociaux – exploitation, racisme, sexisme… Pourquoi est-il encore si difficile d’exposer la réalité de ces professions, et de celles et ceux qui les exercent ? La réponse est aussi dérangeante qu’évidente : ces visages que l’on croise tous les jours mettent mal à l’aise. Ils nous confrontent à une vérité que l’on préfère taire : ceux qui nettoient nos maisons, veillent sur notre confort, sont souvent issus de l’immigration. Et ce n’est pas tant l’inégalité qui choque, mais bien le fait de la rendre visible, placardée en grand dans le métro. La publicité devient alors un miroir inconfortable, reflet trop fidèle d’une réalité que beaucoup refusent d’admettre.

Le paradoxe est là, criant : quand la diversité s’affiche dans des secteurs valorisés comme la tech, on applaudit la démarche inclusive. Mais dans les métiers de la propreté, cette même diversité gêne, crispe. Elle fissure le mythe d’une inclusion que l’on préfère montrer ailleurs, là où les travailleurs ne sont pas systématiquement renvoyés à une image dévalorisante.

Ces emplois que la société ne veut pas voir

Montrer ces hommes et ces femmes, c’est rappeler qu’ils existent, et qu’on dépend de leur travail. Pourtant, on continue à refuser de les regarder pour ce qu’ils sont – nécessaires, respectables, dignes. Ce mépris n’est rien de moins qu’une hypocrisie flagrante : nous avons besoin d’eux, mais nous nous obstinons à ne pas leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent. Ces travailleurs devraient pouvoir être fiers de ce qu’ils réalisent. Ce sont eux qui assurent l’ordre et la propreté dans des millions de foyers. Alors, pourquoi cette honte persiste-t-elle ? Peut-être parce que ces métiers, souvent déconsidérés, sont perçus comme le symbole d’inégalités sociales plus profondes. Les critiques ne s’arrêtent pas à ceux qui exercent ces professions : elles visent aussi ceux qui y ont recours, accusés de perpétuer un système inéquitable. Ce regard méprisant est non seulement injuste, mais reflète surtout une incompréhension totale de la valeur réelle de ces métiers. Ces métiers ne sont pas des petits boulots. Ils exigent rigueur, fiabilité et sens aigü du service. Ils permettent à des centaines de milliers de personnes de vivre dignement, de contribuer à la société, et même de s’épanouir.

Rompre avec la condescendance

Car, oui, on peut s’épanouir et vivre de ces métiers. Cette idée est trop souvent balayée d’un revers de main, sous l’effet d’un paternalisme insidieux. Sous prétexte qu’ils ne sont pas tous diplômés, ces travailleurs sont vus comme vulnérables, précaires, condamnés à subir leur situation. Et quand ils décident de se mettre à leur compte, on les plaint. Leur indépendance est perçue comme un choix par défaut, une contrainte plutôt qu’un véritable acte d’émancipation. Pourtant, beaucoup optent pour l’indépendance pour les mêmes raisons que les freelances des secteurs valorisés : la liberté de gérer leur temps, l’autonomie, et la maîtrise de leur activité. Ce choix n’est pas l’apanage des diplômés : il est tout aussi légitime et respectable pour les hommes et femmes de ménage. Il est grand temps que la société cesse de les regarder de haut – lorsqu’elle prend la peine de les voir.

Rendre visible l’invisible

Communiquer sur les services du ménage, c’est se heurter à des préjugés bien ancrés. Cessons d’ignorer ces métiers que nous jugeons, à tort, comme subalternes. Ils ne le sont pas. La honte ne vient pas du travail lui-même, mais du regard que la société porte sur ceux qui l’accomplissent. Le changement doit commencer par une représentation juste, un discours qui valorise ces professions et redonne leur dignité à ceux qui en sont les gardiens. Ne détournons plus les yeux. Ne faisons plus semblant. Reconnaissons leur contribution. Il ne s’agit pas seulement de les voir, mais de les respecter, de les valoriser, et de leur accorder enfin la place centrale qu’ils occupent déjà, mais que nous avons trop longtemps refusé de leur reconnaître. Car, si la publicité les rend visibles, c’est à la société d’enfin les voir pour ce qu’ils sont : indispensables.

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