Dans un monde qui inquiète et incite les Français à un certain pessimisme, pas facile pour les marques de se positionner et d’adopter le bon discours. L’étude Ipsos Global Trends, qui fête sa dixième édition, se penche sur le sujet.

La statistique est édifiante. Seuls 24% des Français de 16 à 74 ans estiment que le pays va dans la bonne direction. C’est ce qu’a observé Ipsos dans son étude Global Trends (« Tendances mondiales »), menée sur 50 000 personnes dans 50 pays, et dont la dixième édition a été dévoilée le 25 septembre. Les Français sont plus inquiets que la moyenne puisque ce chiffre s’établit à 39% dans le monde – ce qui reste bas. Ils sont principalement préoccupés, dans l’ordre, par l’inflation, le crime et la violence, et enfin la pauvreté et les inégalités sociales. Ils apparaissent toutefois, à 59%, plus optimistes pour leur cercle proche (eux-mêmes et leurs familles) que pour le pays, à 21%. « Un contexte qui nous désolidarise du destin commun et qui nous rend de plus en plus nostalgiques », expose l’étude. Et qui génère des envies ou comportements tels que tâcher de retrouver du contrôle et de la maîtrise, mieux prendre soin de soi pour se protéger dans un monde trop hostile, exprimer une contestation et une colère, sur fond d’injustice (ce que l’étude appelle le « Nouveau nihilisme ») ou encore se replier sur l’instant présent. Dans un monde qui inquiète, comment, pour les marques, parvenir à prendre la parole pour être entendues ? L’étude, très dense par ailleurs dans son analyse de la situation, apporte quelques pistes de réflexion.

1. Mettre en avant la santé mentale

Selon une étude sectorielle d’Ipsos, la santé mentale est devenue un sujet plus prégnant à l’international que le cancer ou les maladies cardio-vasculaires. C’est d’autant plus vrai pour les jeunes générations, atteintes dans leurs relations sociales au moment des confinements, à l’âge où les rapports aux autres sont particulièrement importants dans la construction de soi. « Il est intéressant de voir comment les marques commencent à s’emparer du sujet. Celui-ci intéresse beaucoup la cosmétique ou la beauté. Par exemple, les injonctions sur l’apparence créent du stress chez les jeunes, et les réseaux sociaux accentuent cela », détaille Youmna Ovazza, associée chez Ipsos Strategy3, réseau de conseil stratégique en marketing et innovation de l’institut, qui a piloté l’équipe en charge de la réalisation de l’étude.

Dove fait partie de ces marques, elle qui prône depuis longtemps la beauté pour toutes, authentique. Dans une campagne de 2024 autour de l’intelligence artificielle, la spécialiste de produits d’hygiène de la peau s’attache à démontrer que les requêtes sur la beauté féminine dans les outils de GenIA font surtout ressortir des femmes stéréotypées, avant de défendre d’autres images. Second exemple, dans le domaine de la mobilité : Heetch a, durant quatre jours en mars dernier, placé des psychologues dans ses VTC. L’objectif était de sensibiliser les jeunes usagers à la santé mentale, le temps d’une course.

2. Prôner l’hédonisme

Beaucoup de marques exploitent le territoire du plaisir. Ce n’est pas nouveau mais cela reste efficace dans une époque marquée par les difficultés. La marque de glaces Extrême a mis cette idée « d’ode au plaisir du temps présent, [de] transgression des normes et des codes » au cœur de son slogan « Jusqu’au bout Extrême », tout en misant sur des codes de communication colorés et dynamiques. Autre exemple : dans une publicité pour Uber Eats sortie en mars, Sophie Marceau s’empressait de quitter une cérémonie de remise des prix pour pouvoir déguster chez elle et en plus petit comité un plat livré. Un scénario que la marque a aussi décliné avec Lena Situations et SCH. L’idée, c’est de « s’extraire du rythme pour prendre du temps pour soi, s’extraire aussi des injonctions sociales, avec un côté un peu provocateur », traduit Youmna Ovazza. Ce qui peut aussi aller de pair avec l’humour – provocant ou pas. Avec les risques qu’il comporte de ne pas être compris par tout le monde...

3. Rendre la durabilité plus «désirable»

Les entreprises ne peuvent plus continuer à communiquer comme avant sur leurs impacts environnementaux. « L’une des voies est de créer de la désirabilité autour de la croissance durable, alors que généralement on n’en voit que les contraintes », déclare Youmna Ovazza. Engagée dans le recyclage de ses stylos, la marque Bic proclamait dès 2021 au moins dans une campagne : « Quand je serai grand, je serai un banc ». « La publicité pour Bic est dans une tonalité positive et projette dans un monde différent. On ne parle pas de plastique ou autre », analyse l’experte. Dans la même veine, Decathlon propose un service de location de vélos pour enfants, laissant entrevoir qu’un autre modèle est possible. « Il y a un territoire à réfléchir », appuie Youmna Ovazza. En faisant preuve de vigilance, toutefois. « Les consommateurs veulent du sens, des valeurs, le discours doit raisonner comme cela plus que comme une injonction », développe-t-elle.

4. Jouer la carte de la nostalgie

Le retour du Nokia 3310, la relance de la Renault 5 en version électrique… Alors que le monde actuel va mal, les marques peuvent être tentées de jouer la carte de la nostalgie. D’autant que, selon l’étude, 64% des Français déclarent en 2024 qu’ils aimeraient que leur « pays redevienne ce qu’il était autrefois », contre 56% en 2013. Cela peut être une option, à condition d’éviter le « c’était mieux avant ». « Cela peut être un axe intéressant, cependant, il ne s’agit pas d’être dans la pure nostalgie mais de se mettre au goût du jour, de créer un lien entre les générations », estime Youmna Ovazza. Il s’agit de « réutiliser la nostalgie à bon escient en la mettant aux codes actuels », reformule-t-elle. Ce n’est pas un hasard si le vintage a de nouveau le vent en poupe, dans tous les domaines. En témoigne par exemple, dans le domaine de la santé, le succès des remèdes de grand-mère. « Les gens aiment se tourner vers des marques qu’ils connaissent ou qui partagent les mêmes valeurs qu’eux. Le sujet de la marque est un vrai sujet en tant que tel. Il s’agit d’alimenter la confiance et la valeur », conclut Youmna Ovazza.

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