Le Festival rochelais, qui fête ses 40 ans avec 100 concerts, a obtenu depuis trois ans la norme RSE ISO 20121. Il multiplie les initiatives en matière d’inclusion, de mobilité et d’organisation pour être le plus vertueux possible. Visite sur place.

Tout juste nommée codirectrice des Francofolies avec Dimitri Gavenc suite au retrait de Gérard Pont devenu directeur, Emilie Yakich assure la visite RSE du site pour une vingtaine d’acteurs locaux. Parmi eux, des représentants du port et de l’office de tourisme de l’agglomération, du ministère de la culture, des espaces locaux et du Sunny Side of the doc en charge des sujets RSE. La codirectrice en charge de l’artistique et du culturel le dit d’emblée « Quelques soient les engagements, vous savez que personne n’est parfait de nos jours donc je suis à l’écoute de vos retours et de vos suggestions ». Durant la visite du vaste site qui borde le port de La Rochelle, elle égraine les informations.

L’édition 2024 accueillie 130 000 visiteurs pour 90 000 billets vendus. La moyenne d’âge des festivaliers varie de 51 ans pour le 1er jour, où performaient Sting, Etienne Daho et Gaëtan Roussel à 24 ans pour le 3e jour avec la scène rap représentée par PLK, Josman ou Zola. « Lorsque l’on a fait notre bilan carbone, on s’est rendu compte que la plus grande part de l’impact concerne la mobilité des festivaliers. Alors nous les interrogeons via des questionnaires lorsqu’ils commandent leurs places pour connaître leurs choix de locomotion et leur faire des propositions ».

Des horaires de bus étendus et des navettes gratuites

Sachant que les festivaliers viennent à 12 % de la ville, 11 % de l’agglomération, 36 % du département et 48 % de Nouvelle Aquitaine, quatre lignes de bus ont été prolongées jusqu’à une heure quarante du matin. Et le service minimum du 14 juillet a été largement renforcé. Une communication sur les abribus de l’agglomération, initiée au Printemps de Bourges dont Gérard Pont est aussi propriétaire, a permis en amont de prévenir la population des offres étendues et des suspensions d’arrêt. Pour les 60 % de festivaliers qui le 1er jour avaient choisi la voiture, l’opportunité leur était donnée d’avoir accès gratuitement à un parking puis à une navette s’ils étaient plus de trois passagers dans chaque véhicule.

Une attention particulière pour les handicapés.

La trentaine de salariés qui ont préparé ce festival sur lequel il n’y a jamais de bénévoles a tout été formée aux problématiques de handicaps. Un livret d’accueil est envoyé aux personnes concernées avec le détail des places de parkings dédiées où sont mises à disposition des navettes gratuites pour rejoindre les espaces de concerts où leur entrée se fait avec les artistes et pro. Des fauteuils roulants sont mis à leur disposition via un partenariat avec l’agglomération.

Un premier concert en audiodescription

Seule restriction : les jauges des espaces de concerts qui ne sont pas extensibles. La grande scène Jean-Louis Foulquier ne peut accueillir que 12 000 personnes et 200 personnes handicapées.  « On ne voulait pas faire de billetterie séparée pour ne pas faire de discrimination. Il faut donc vérifier que des places dédiées sont toujours disponibles. Mais les gens ne le font pas toujours et cela amène à des difficultés d’accueil. Nous devrons donc nous y résoudre l’année prochaine ». Le festival innove chaque année. Le concert de Zaho de Sagazan est le premier proposé en audiodescription cette année et deux conférences des Folles Rencontres ont été traduites en langage des signes.

Des places pour le Secours Populaire

Soucieux d’inclure tous les publics, les Francofolies ont maintenu des prix accessibles (10 à 60 euros la soirée) en développant un Club Entreprise dès 1995 qui, en échange de visibilité et de places dans des balcons privatisés, soutiennent financièrement le festival. Il déploie aussi nombre d’événements gratuits, comme « J’ai la mémoire qui chante ». À l’école d’or, Éric Fottorino s’y entretient chaque jour avec une personnalité sur ses 5 ou 6 morceaux préférés, qui sont joués en direct dans la cour de l’école. Judith Godrèche et la pâtissière Nina Métayer s’y sont prêtées. Cent à deux cents places pour les publics empêchés sont aussi données au Secours Populaire, sur le mode des cafés suspendus.

Une décoration et des structures réutilisables

Tout l’habillage du festival, des tentes aux drapeaux et à la signalétique, des canisses aux cabanes, est pensé pour être réutilisé d’années en années pendant au moins 5 ans, pour ne pas lasser le festivalier. « Car la décoration fait aussi partie de l’expérience du festival » souligne la codirectrice. Côté espace professionnel, du café Jane et Serge tout en bois au café Pollen de la Sacem qui accueille les professionnels de la musique, tout est conçu pour resservir. Reste juste à replier méticuleusement le matériel en 5 jours maximum pour dégager la place et qu’en trois semaines l’année suivante tout puisse être redéployé. Côté restauration, la vaisselle est évidemment réutilisable et 60 % de l’offre alimentaire est végétarienne

Des artistes aux dispositifs de plus en plus ambitieux

Côté artistes, enfin, l’espace d’accueil est lui aussi limité comme on le voit en longeant une partie des semi-remorques aux proportions vertigineuses. « Il faut comprendre que nous achetons des spectacles d’artistes en tournée dont nous sommes diffuseurs aux Francofolies. Nous prônons la mutualisation du matériel entre eux​​​​​, à commencer par l’écran de la Grande scène. Mais tous ne jouent pas le jeu » déplore-t-elle. L’attrait croissant pour les festivals les incite à y déployer de plus en plus d’effets. « Jusqu’en 2022, les artistes venaient avec des kits « festival » assez légers. Mais depuis deux ans, détaille Emilie Yakich, il y a une surenchère. Les festivals sont devenus un lieu de positionnement et ils s’y déploient avec une logistique proche voire similaire à celle de leur tournée. »

Des artistes et leurs équipes insuffisamment impliqués parfois

Même si la SNCF par exemple fait des efforts en acceptant désormais les contrebasses, peu d’artistes prennent le train et développent une démarche vertueuse. Camille qui a fait une tournée « à pied » sans semi-remorque et avec sa propre cantine fait figure de contre-exemple. L’année dernière, Shaka Ponk a décroché la palme avec ses 8 semi-remorques sur le parking en contrebas de la Grande scène.

Des questionnaires pour toujours progresser

Et si la production espérait valoriser le vélo pour aller chercher les 24 artistes quotidiens, elle s’est résolue à une voiture en raison du prix excessif de 5 000 euros pour le vélo taxi. Autant d’initiatives qui devraient permettre au festival de décrocher à nouveau son sésame en matière de management responsable. Et qui doivent satisfaire aussi les festivaliers. « À l’issue de chaque saison, nous adressons un questionnaire de satisfaction pour nous aider à mieux voir les points d’amélioration. Sur les 30 000 acheteurs, 5 000 nous ont répondu, ce qui est un très bon taux » s’enthousiasme l’énergique Emilie Yakich.

 

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