Lors des conférences de remise des prix cannois du 17 juin, Marco Venturelli, président en charge de la création de Publicis Conseil et président du jury Outdoor, évoquait une nouvelle manière d’aborder les campagnes «purpose», lesquelles règnent sans partage depuis des années sur la Croisette. En a-t-on (enfin) fini avec le lénifiant ? 

On n’osait plus en rêver. On en avait tellement soupé… Depuis des années, les Cannes Lions se la jouaient super-héros, Médecins du Monde de la com', avec ces campagnes dont on ne traduisait même plus le nom en français - le « purpose » [communication responsable ?]. Koalas en souffrance, déferlement de plastique, océans salis, femmes battues et enfants des rues… Dans les «case studies», on faisait s’affoler les compteurs : telle campagne avait permis de voter telle loi en Nouvelle-Zélande, grâce à telle activation, la paix dans le monde avait augmenté de 21,5 %... Vraiment ?

Il faut croire en ses rêves. Lors de la conférence d’annonce des prix du 17 juin, Marco Venturelli, président en charge de la création de Publicis Conseil et président du jury Outdoor, donnait des raisons d’espérer : « Nous nous situons désormais dans l’ère du post-purpose.» Hosannah, hosannah, au plus haut des cieux !

Un « purpose » plus honnête

La campagne Pedigree par Colenso BBDO - Adoptables, l’un des deux grand prix remis par le jury Outdoor, serait l’un des exemples de cette inflexion. Grâce à la marque de nourriture pour chiens et à l’IA, l’on peut afficher en temps réel, sur des écrans digitaux, des photos d’animaux proposés à l’adoption. « On se situe dans ce que le “purpose” devrait être, et va devenir de plus en plus, explicite Marco Venturelli. Cela faisait trop d’années que les marques proposaient des campagnes “purpose” sans réel lien avec leur business model, parfois, d’ailleurs, avec un certain cynisme. Maintenant, le purpose, c’est un prérequis, c’est la base. Nous sommes là pour montrer que l’on peut réaliser des campagnes brillantes, réellement utiles, tout en restant fidèle à sa marque, et sans sauter sur les sujets à la mode.»

Soulagement ? John-Paul Forero, president & CCO of DDB Colombia et président du jury Print&Publishing, se montrait définitif : «On ne peut plus récompenser n’importe quelle cause pour n’importe quelle marque.» Les jurés en avaient-ils, eux aussi, ras la bonne conscience du purpose, depuis des années, sans oser le dire ? Simon Vicars, Chief Creative Officer at Colenso BBDO et président du jury Audio&Radio, tenait à «remercier les Cannes Lions, qui nous ont permis d’étudier longuement et en détail les campagnes “purpose” et de les remettre en question. Aujourd’hui, les marques qui sont les vraies porteuses du “purpose” ne sont pas celles qui font de la philanthropie à côté. Ce sont celles qui lient leur identité à des causes, tout en donnant un impact à leur business.» 

Le «post-purpose», si on a bien compris, ce serait une communication responsable mais moins cynique qu’avant, parce qu’elle n’avance plus masquée. Et ne fait pas croire ce qu’elle n’est pas, c’est-à-dire une communication totalement désintéressée… «Tout changer pour que rien ne change», comme le veut la vieille formule de Lampedusa, auteur du Guépard ? Quoiqu’il en découle, le «purpose» n’a pas fini de prévaloir à Cannes. Tout du moins, sera-t-il plus honnête.

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