Avec l’année chinoise, le musée Guimet multiplie les expositions et continue d’accroître sa fréquentation. Un bon moyen d’entretenir une relation culturelle privilégiée autour d’une civilisation.

On n’est pas sûr de suivre Yannick Lintz quand elle voit dans la Chine un rôle d’« arbitre » pour l’Europe orientale, tant Xi Jinping apparaît comme un allié de Vladimir Poutine face à l’Occident. En revanche, à quelques jours de la visite du président chinois à Paris, la présidente du musée national des Arts asiatiques-Guimet se montrait convaincante, le 26 avril, en livrant à quelques journalistes sa vision d’un « musée d’art-instance diplomatique ». Cette orientaliste, spécialiste du monde iranien, qui précise avoir candidaté à son poste au lendemain de l’invasion de l’Ukraine, entend faire de son musée un lieu d’éducation, de partage et bien sûr de communication. « J’ai eu le sentiment qu’il y avait une accélération de l’histoire et que le monde allait basculer de plus en plus vers l’Asie », déclare-t-elle. D’où sa volonté de faire de son institution un trait d’union avec le monde asiatique en général et chinois en particulier, en cette année de la Chine (« Guimet x Chine 2024 ») et du soixantième anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises. Parmi ses mécènes, la fondation Michelin ou les champagnes Perrier-Jouët.

À son arrivée, en 2022, Yannick Lintz a commencé par doubler le budget de communication. C’est ainsi que l’année chinoise a été favorisée par une campagne intitulée « 366 jours, ça va être court pour tout voir », depuis les trésors de la dynastie Tang, les parures en or de Ming, les porcelaines impériales du VIIIe siècle jusqu’au peintre T’ang Haywen (1927-1991) ou la façade refaite par la designeuse Jiang Qiong Er laissant à l’IA le soin d’interpréter des sources anciennes. « Le modèle politique n’empêche pas le développement d’un vrai professionnalisme dans les techniques de création », note la présidente. Après une exposition sur l’Afghanistan qui a fait un flop, l’ancienne directrice des Arts de l’Islam au Louvre sait que tout se joue parfois sur un titre ou le partage d’une vidéo. Contrairement au Japon, la Chine n’est pas toujours aisée à « vendre » en raison de son système de surveillance de masse, sa répression des Ouïghours et ses tensions géopolitiques avec l’Occident sur Taïwan ou Hong Kong.

Cela n’empêche pas le musée, depuis sa réouverture en 2021, d’augmenter sa fréquentation. De 170 000 entrées en 2022, l’institution est passée à près de 250 000 en 2023 (+47 %) et enregistre un essor de 70 % sur les premiers mois de 2024. Sur l’année chinoise, la dotation publique est réservée aux salaires et au bâtiment, une levée de fonds assure les financements pour les expositions. L’essentiel est venu de Macao (1,4 million d’euros) et de mécènes, notamment deux chinois. « Pour cinq ou six mécènes, on en a rencontré dix fois plus », précise la présidente, qui rappelle que le Quai d’Orsay, les réseaux chinois et diplomatiques français sont interrogés en ce cas et que Bercy donne son visa.

Avec son projet « Guimet 2030 », qui inclura la Corée en 2026 et l’Inde en 2028, le musée estime à 3 ou 4 millions d’euros ses besoins pour financer ses projets. Il cherche un ou deux contributeurs par pays asiatique et des entreprises françaises qui ont un intérêt en Asie. Pour Yannick Lintz, « le dialogue franco-chinois ne va pas de soi mais au moins la culture fait tenir ce dialogue ». Elle l’a constaté en 2018 avec l’Iran et en 2012 avec le Maroc dans ses prédécentes fonctions.

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