En pleine tourmente, le groupe de luxe Kering tient jeudi 25 avril son assemblée générale après avoir accumulé les mauvaises nouvelles, entre chute des ventes et perte de rentabilité opérationnelle principalement à cause de sa marque phare Gucci.
Sale temps pour Kering. Mercredi 24 avril, le groupe a encore dévissé en Bourse, les investisseurs prenant acte de la forte baisse de 40 à 45% de la rentabilité attendue au premier semestre alors que son chiffre d'affaires a chuté de 11% au premier trimestre. Par rapport à son pic de juin 2021, l'action de Kering dégringole même de 60%. Cela montre que «la transformation de Gucci est plus difficile que le marché ne le pensait » dans un premier temps, estime dans une note Luca Solca, analyste de la banque Bernstein.
Depuis des mois, le groupe dirigé par François-Henri Pinault tente de redresser la marque italienne qui représente 50% de ses ventes et les deux tiers de sa rentabilité opérationnelle. Changement de directeur artistique avec l'arrivée de Sabato de Sarno, nouvelle direction incarnée par Jean-François Palus, PDG proche de François-Henri Pinault, nomination d'un directeur général adjoint venu du concurrent Louis Vuitton, Stefano Cantino : «Il est clair que Kering a l'intention de "nettoyer la maison" pour établir des bases plus fortes pour l'avenir», note Luca Solca.
D'autres marques du groupe patinent aussi. Au premier trimestre 2024, les ventes d'Yves Saint Laurent reculent de 8%, celles de Bottega Veneta de 2% et celles des autres maisons, qui englobent Balenciaga et Alexander McQueen, de 7%. Mi-avril, la note de Kering a été abaissée par S&P en raison des difficultés de Gucci et des dépenses réalisées par le groupe, ce qui alourdit sa dette. Kering a annoncé récemment l'achat d'un bien immobilier à Milan pour 1,3 milliard d'euros qui s'ajoute à des achats antérieurs d'autres propriétés à New York en janvier pour environ 900 millions d'euros et à Paris en 2023 pour environ 1,4 milliard d'euros, précise l'agence de notation.
Imposer sa définition du luxe
Kering a en outre déboursé 1,7 milliard d'euros pour acquérir 30% de Valentino, avec une option pour racheter tout le groupe au plus tard en 2028, et 3,5 milliards d'euros pour mettre la main sur Creed, parfumeur acheté en octobre dans le cadre de la création de la branche beauté. «C'est très intelligent de créer un département beauté», explique à l'AFP Eric Briones, auteur de «Luxe et digital» (ed. Dunod). «Mais le construire avec Creed uniquement, ça ne va pas», ajoute-t-il soulignant que la licence Gucci (chez Coty) «ils la récupèrent dans 3 ou 4 ans et Saint Laurent (chez L'Oréal) aux calendes grecques». La licence des parfums Valentino est également chez L'Oréal.
«Vous allez construire sur Balenciaga qui est une marque qui s'interroge et ne s'est pas encore remise du scandale» dû à une publicité déplacée mêlant des enfants et des accessoires connotés sexuellement et qui a fait chuter ses ventes, selon le spécialiste. «Aujourd'hui, ce qui manque le plus à Kering, c'est une vision claire, cohérente et impactante», ajoute-t-il. «En ce moment, il y a une bataille dans l'univers du luxe à imposer sa définition du luxe: Vuitton, c'est "nous sommes plus qu'une maison de luxe, nous sommes une maison culturelle", Chanel c'est "le luxe absolu", Jacquemus c'est “pop luxury”», détaille-t-il. «C'est peut-être aussi un groupe trop décentralisé», souffle un autre connaisseur du secteur, «c'est le péché originel de Kering, un héritage de PPR (Pinault-Printemps-La Redoute, précédent nom du groupe, NDLR), il fonctionne davantage comme un conglomérat que comme groupe».
Récemment, quelques changements ont eu lieu dans la gouvernance: Francesca Bellettini, PDG d'Yves Saint Laurent, a été promue directrice générale adjointe de Kering, chargée de «piloter l'ensemble des maisons du groupe dans les prochaines étapes de leur développement» et Jean-Marc Duplaix, directeur financier de Kering depuis 2012, est devenu directeur général adjoint du groupe chargé des opérations et des finances. La directrice de la communication Valérie Duport a quitté le groupe sans que soit encore nommé son successeur. «C'est un moment compliqué et personne ne se réjouit parce que si Kering va mal, le secteur global en souffre», conclut Eric Briones.