Entre biomatériaux et matériaux biosourcés, les avancées technologiques sont notoires. Mais pas toujours aussi vertueuses qu’espéré. Réflexions autour de ce qui est (trop) souvent présenté comme la panacée.
« Matériau conçu pour interagir avec les systèmes biologiques. » Ainsi peut être défini un biomatériau. « Développé dans les années 1960 ou 1970, ce terme est un faux ami, commente d’emblée Muriel Vayssade, professeur à l’université de technologie de Compiègne (UTC). Le suffixe “bio” n’avait pas alors la même acception qu’aujourd’hui. D’où la confusion fréquente dans le grand public. Synthétique, à partir de polymères ou bien encore en métal, sa finalité est d’être en contact avec un tissu biologique. Et même si c’est pour faire mieux et moins polluant, la variabilité des matériaux biosourcés peut remettre en cause les autorisations réglementaires. »
Du bois qui peut devenir transparent et plus résistant que l’acier pour la construction, notamment de bâtiments hauts, de l’amidon de maïs qui mute en bioplastique, un solvant né du colza, du cuir de champignon, de la peinture issue de l’huile de tournesol, du lin en guise de garniture de portière de voiture… Les innovations foisonnent. D’après Agrobiobase, véritable bible, 446 matériaux biosourcés sont recensés, et 130 producteurs en France.
« Le sujet est passionnant, car on peut avoir des mauvaises surprises, lance Ekhi Busquet, designer et directrice artistique, spécialisée en retail design. Des marques ont rétropédalé. » Ainsi, l’idée de créer un stand de 200 m² à base de champignons était géniale. Mais après ? « Il est important de s’interroger sur son avenir lors de la phase de déchet. Or, son impact était moins bon que celui du plastique. » Car chauffée, la molécule se modifie, rendant son retraitement compliqué.
« Ne pas penser à tout le cycle de vie d’un produit revient à s’engouffrer dans le greenwashing, constate Jean-Marc Llorens, directeur de la recherche et de la valorisation à l’université du Littoral-Côte d’Opale, gérant de Synopsis Engineering. On doit reprendre l’expression “Du berceau au berceau”. Les thermoplastiques sont recyclables, pas ceux issus des matériaux biosourcés. » Si l’écoconception compte, la réflexion doit aussi se porter sur le développement de déchetteries adaptées. Par ailleurs, le débat doit se faire avec la question de l’alimentation humaine en tête. Quelle proportion ponctionner pour les matériaux biosourcés ? « Il faut encore laisser du temps pour que le secteur soit plus vertueux, ponctue Ekhi Busquet. Dans dix ans, on sera bon. On est dans la salle d’attente, avant d’y aller. »
Des emplois locaux
Toutefois, en dépit des difficultés actuelles, les matériaux biosourcés ont bien des qualités. « La ressource est locale, tient à souligner Arnaud Godevin, directeur de l’ESB, école d’ingénieurs des matériaux biosourcés. Avec la recherche de proximité ou d’authenticité, ce sont des arguments en faveur de la filière. » Sans parler de l’emploi. Pas moins de 80 000 à 90 000 embauches sont ainsi prévues dans le bois.