Le distributeur d’électricité, qui vient d'annoncer le versement de 130 millions d'euros aux clients les plus touchés par la tempête Ciaran en novembre, est devenu un acteur majeur de la transition écologique en France en participant à la décarbonation de l’économie. Décryptage avec Catherine Lescure, directrice de la communication et de la RSE.
Quelle est l’histoire d’Enedis ?
Catherine Lescure. L’entreprise est née en 2008 lors de l’ouverture des marchés à la concurrence et a pris le nom d’Enedis en 2016. C’est une filiale à 100% d’EDF dédiée à la distribution de l’électricité, avec une gestion indépendante afin d’assurer sa neutralité vis-à-vis de l'ensemble des fournisseurs. Nous couvrons 95% du territoire métropolitain et alimentons plus de 37 millions de clients, entreprises et particuliers. En tant que service public, nous nous devons de distribuer l’électricité dans les meilleures conditions et au même prix dans les grandes villes comme dans les zones reculées. C’est la péréquation tarifaire qui correspond au modèle français de la distribution d’électricité. Cet esprit de solidarité nous a permis de rétablir le courant à 95% de clients en cinq jours lors de la tempête Ciaran, qui a balayé l’ouest de la France en novembre 2023, coûtant malheureusement la vie à l'un de nos salariés.
Quel est son rôle dans la transition écologique ?
Actuellement, 25% du mix énergétique est composé d’électricité, le reste vient des énergies fossiles, pétrole et gaz naturel. L’ambition de la France est de doubler cette part en 2050, tout en encourageant plus de sobriété dans les usages. Traditionnellement, le réseau électrique était très descendant, avec de gros moyens de production (les centrales nucléaires et hydrauliques) qui passaient par les lignes à haute tension de RTE. Notre rôle était d’acheminer cette électricité vers les clients finaux par le réseau moyenne et basse tension. Aujourd’hui, le réseau doit accueillir de plus en plus d’électricité décentralisée avec déjà plus de 700 000 producteurs d’électricité indépendants sur l’ensemble du territoire. Nous devons raccorder au réseau tous ces nouveaux moyens de fourniture d’électricité, ainsi que les bornes de recharge électrique. Nous électrifions aussi les transports collectifs.
En 2023, Enedis est devenu le premier grand acteur du secteur de l’énergie et le deuxième du secteur public après La Poste à adopter le statut d’entreprise à mission. Pourquoi cette démarche ?
En 2020, à la fin du premier confinement, Marianne Laigneau, la présidente du directoire, a lancé le Projet industriel et humain, un programme à cinq ans, en associant nos 39 000 salariés et nos parties prenantes (collectivités locales, prestataires, ONG…). À la suite de ce projet, avec le comex, il nous a semblé évident de devenir entreprise à mission. Nous voulions être encore plus ambitieux en transformant le management et les process pour que notre impact environnemental et social soit le plus positif possible. Depuis juin 2023, le changement est inscrit dans nos statuts, nous avons mis en place un comité de mission et nous avons entamé un tour de France sous la forme de six grands forums pour embarquer les managers de proximité, soit 6 000 personnes.
Quels sont vos objectifs de mission ?
Notre raison d’être est : « Agir pour un service public de la distribution d’électricité innovant, performant et solidaire. Raccorder la société aux défis collectifs d'un monde durable. » La première phrase est descriptive de notre activité, avec l’idée que l'on peut concilier service public et performance. La deuxième s’inscrit plus largement dans l’enjeu de la transition écologique. Nous avons défini cinq objectifs de mission qui sont autant de raisons d’agir : pour l’électricité, pour l’environnement, dans les territoires, en collectif, et avec respect.
L’électricité renvoie à la sobriété énergétique, grâce au compteur Linky, qui permet de mieux maîtriser sa consommation, et avec la création de l'Observatoire de la transition écologique, qui permet de partager les données disponibles. L’environnement correspond à la réduction des émissions de CO2, déjà bien engagée sur notre scope 1 avec l’électrification de notre flotte de véhicules réalisée à plus de 30% et qui devrait être complète en 2030. Sur le scope 3, nous travaillons avec nos prestataires sur la réalisation de chantiers bas carbone en développant le recyclage, la réutilisation des terres excavées par exemple ou en interne le réemploi de nos équipements.
Sur les territoires, nous aidons nos milliers de prestataires, souvent des PME, à monter en compétence, afin d’arriver au niveau des exigences RSE des appels d’offres. Agir en collectif concerne notamment les recrutements, car les besoins de la filière électrique portent sur 8 300 emplois par an sur les prochaines années pour développer le réseau. Enfin, agir avec respect touche aux sujets sociétaux, la sécurité, l’égalité hommes-femmes ou encore le mentorat.
Enedis est partenaire de Paris 2024. Est-ce que cela s’inscrit dans vos engagements ?
Tout à fait, les organisateurs ont l’ambition de réduire les émissions de CO2 des Jeux et notre mission est de raccorder au réseau électrique l’ensemble des sites de compétition ou d’accueil des publics. Il faut savoir que les retransmissions d’épreuves sportives fonctionnaient traditionnellement sur groupes électrogènes. Nous allons raccorder les stades et les sites éphémères, partout en France, à la Concorde, au Château de Versailles mais aussi à Marseille, Lille, Saint-Étienne. Cela représente 8 000 chantiers, qui vont rester en héritage après les Jeux.
Vous êtes en charge de la RSE et de la communication. Comment communiquer sur des sujets sensibles comme le nucléaire ou la collecte des données avec Linky ?
Enedis n’est pas en charge de la production mais le nucléaire permet au mix électrique français d’être l'un des plus décarbonés d’Europe, avec l’hydraulique et les énergies renouvelables. Le compteur Linky a défrayé la chronique à son lancement mais il montre aujourd’hui sa capacité à être un outil au service de la transition écologique. Les collectivités locales utilisent les données collectées pour identifier les bâtiments qui consomment trop d’énergie et flécher les travaux qui auront le plus d’impact en termes d’économies.
Notre slogan est « Bienvenue dans la nouvelle France électrique ». Nous sommes convaincus que l’on est en train de vivre une deuxième électrification, après la première de la fin du 19e siècle. Nous y participons en raccordant les sources d’énergies renouvelables partout sur le territoire, tout en accompagnant les changements de comportements vers la sobriété. Nous voulons contribuer à une société plus sobre en énergie grâce à une consommation plus maîtrisée.
Parcours
1990. Diplômée du Celsa Paris-Sorbonne.
1993-2000. Responsable communication internationale de GDF Suez.
2000. Entre chez EDF en tant que directrice de cabinet auprès du directeur exécutif commerce.
2004-2007. Directrice communication interne.
2007-2015. Directrice de la communication corporate et commerciale. Pilote le partenariat des Jeux olympiques et paralympiques de Londres 2012.
2015-2017. Directrice de la communication interne, marque et image. Création du prix de l'innovation EDF Pulse.
2017-2020. Déléguée régionale Île-de-France.
Depuis juin 2020. Directrice exécutive communication et RSE d’Enedis.