Quinze acteurs de l’agroalimentaire, dont Unilever, ont été sanctionnés par l’Autorité de la concurrence pour s’être entendus entre 2010 et 2015 afin de ne pas communiquer « sur la présence ou pas » de bisphénol A dans leurs conserves et canettes.
Quinze acteurs de l’agroalimentaire, dont le géant britannique Unilever, ont été sanctionnés en France à hauteur de 19,5 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence pour s’être entendus entre 2010 et 2015 sur le fait de ne pas communiquer « sur la présence ou pas » de bisphénol A dans leurs conserves et canettes. Ces pratiques sont jugées « très graves » par l’Autorité dans son communiqué jeudi 11 décembre « car elles ont privé les consommateurs de la faculté de choisir des produits sans bisphénol A, à une époque où de tels produits étaient disponibles et alors que cette substance était déjà, à l’époque, considérée comme dangereuse pour la santé ». Interdit en France depuis 2015 dans les contenants alimentaires, le bisphénol A (BPA) est considéré par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) comme un perturbateur endocrinien et est soupçonné d’être lié à de multiples troubles et maladies (cancer du sein, infertilité…).
L’Autorité de la concurrence indique avoir décidé de sanctionner trois organismes professionnels de conserveurs (Fiac, Adepale, Ania) et le syndicat des fabricants de boîtes (SNFBM) « pour avoir mis en œuvre une stratégie collective visant à empêcher les industriels du secteur de se faire concurrence sur la question de la présence ou non de bisphénol A dans les contenants alimentaires (conserves, canettes…) ». Sont également sanctionnées par l’Autorité de la concurrence « onze entreprises, poursuivies en qualité de membres de ces organismes » et pour leur « participation à l’entente ». Il s’agit des « conserveurs » français Andros, Bonduelle, Charles et Alice, Cofigeo, Conserves France, D’Aucy, de l’américain General Mills et du britannique Unilever, ainsi que des « fournisseurs de boîtes » irlandais Ardagh, américain Crown et français Massilly. Les quatre organismes professionnels concernés ainsi que les onze entreprises sont sanctionnés pour un montant total de 19,55 millions d’euros. Les sanctions les plus importantes concernent Crown (4,2 millions d’euros), D’Aucy (3,08 millions), Bonduelle (2,8), l’Ania (2,7), Ardagh (1,6), Massilly (1,5) et Unilever (1,3).
Stratégie collective
« La stratégie collective concernant la communication sur l’absence de Bisphénol A (BPA) a été initiée par les organisations professionnelles de conserveurs. Celles-ci ont ensuite cherché l’adhésion de l’ensemble de la chaîne de valeur », détaille l’Autorité. « Ces pratiques, ensemble, constituent une infraction unique complexe et continue (IUCC) mise en œuvre du 6 octobre 2010 au 21 juillet 2015, soit sur plus de quatre ans », est-il précisé. L’objectif de l’entente était d'« empêcher les industriels de communiquer sur l’absence de BPA dans leurs contenants alimentaires » et d'« inciter les industriels à refuser de livrer des boîtes sans Bisphénol A avant son interdiction en France, puis d’arrêter de commercialiser des conserves avec Bisphénol A après cette date », poursuit le communiqué. L’Autorité indique également que « l’extension de cette stratégie en aval auprès de la grande distribution a également été tentée, mais sans succès ».
Contactées par l’AFP, l’Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale) et la Fédération des industries d’aliments conservés (Fiac) ont indiqué qu’elles allaient faire appel d’une décision qu’elles « contestent fermement », affirmant que « l’ensemble des acteurs visés ont agi en total respect du cadre et des objectifs fixés par la loi ». Mercredi, au micro de Radio Classique, le président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) Jean-Philippe André avait évoqué la sanction à venir et indiqué « contester cette mesure », la qualifiant par avance de « disproportionnée et injuste ». « Ça remonte aux années 2012-2015, donc c’est très loin. L’Ania s’est simplement entendue ensemble avec ses adhérents sur comment je gère la communication sur le ''sans'' (Bisphénol, ndlr). On est dans notre rôle. Notre job, ici, c’est de faire en sorte que nos produits contribuent à l’image de l’agroalimentaire en France, à la haute qualité des produits. On ne cessera pas de faire ça. On va contester tout cela », avait-il déclaré.