La créatrice d’Oh My Cream fête les dix ans de son entreprise, qui compte maintenant trente boutiques de cosmétiques  clean». Portrait d’une startupeuse aussi magnétique que les produits qu’elle propose.

Elle reçoit dans le 7e arrondissement, dans les locaux de son entreprise Oh My Cream, qui compte 150 salariés. Même espace dépouillé et même déco cocooning que dans ses trente boutiques dont 26 en France, 2 en Belgique et 2 à Londres. Un open space très luxe, calme et volupté mais dans la simplicité. À son image, le tourbillon d’énergie en moins. Juliette Levy, trentenaire vive et déterminée, a créé Oh My Cream il y a dix ans alors qu’elle était fraîchement diplômée de l’Essec et encore chez ses parents, une maman chirurgien cardiaque et un père entrepreneur dans l’immobilier social. Elle y propose aux femmes 45 marques de produits de beauté « désirables », dit-elle, dont ceux de la maquilleuse Violette, de la star américaine du bio Tata Harper ou du must du luxe Augustinus Bader. Créée il y a six ans, sa propre marque représente 20 % de son chiffre d’affaires.

Ce qui lui a permis de réussir dans un secteur trusté par les Marionnaud et autres Sephora ? L’esthétique de ses boutiques, la rareté voire l’exclusivité des marques qu’elle propose et surtout les conseils avisés de vendeuses expertes. Mais la désirabilité et la confiance suivent, au point que 30% des ventes se font sur le digital. Du haut de ses 36 ans, elle tutoie des croissances de 20 à 30% après des premières années de à 50% à 100%. Solide et reconnue en France, elle s’attaque à l’international « parce que sur le modèle de nos boutiques, il y a une place à prendre partout dans le monde », assure-t-elle. Elle vient de passer une semaine par mois à Londres pour préparer le lancement de ses deux boutiques, l’une à Chelsea, l’autre à Notting Hill.

De quoi dévorer le soir les bios d’entrepreneurs mais aussi de rater pas mal de bains avec ses « deux petits mecs », de 18 mois et 4 ans. Car Juliette Levy revendique « deux casquettes, celle de chef d’entreprise et celle de maman ». Elle veut tout réussir, et construire une famille joyeuse, à l’image de l’enfance qu’elle a connue « heureuse et débordante d’amour avec des parents qui nous ont insufflé un capital confiance et l’idée que la fratrie était la chance de notre vie » au sein « d’une famille bourgeoise classique », petite dernière après trois frères.

Elle met un point d’honneur à être rentrée chez elle à 19 heures et n’a pas choisi par hasard des locaux à 5 minutes à pied. Mieux, elle sanctuarise un vendredi sur deux off. « Sans culpabilité, je m’offre un resto ou un massage pour me ressourcer car je suis une introvertie qui a besoin de solitude pour se régénérer et être opérationnelle. Mes week-ends avec mes frères et ma vie au bureau remplissent largement mon besoin de sociabilité. » Dans ces tête-à-tête avec elle-même, elle puise les ressources nécessaires pour le développement d’Oh My Cream. « Mon travail de boss, c’est d’avoir de l’énergie pour mes salariés et des idées neuves pour ma boîte. »

Une dose d'inconscience

On cherche la faille dans cette vie si structurée entre un travail qui la comble et une famille qu’elle chérit. Elle la livre sans ambages, fidèle à sa nature spontanée qui lui permet d’optimiser son énergie. « Après l’Essec et un stage dans la finance, mon avenir semblait tout tracé. Mais j’ai fait une solide crise existentielle de la vingtaine que j’ai soignée par douze ans de psychanalyse. » La petite fille devenue une jeune femme était restée docile, suivant la voie des bonnes élèves. Elle se retrouvait confrontée au mur de ses incertitudes. Sa mère qui la voyait perdue l’encourage à suivre sa voie : « Mais toi qui nous bassines avec tes crèmes de beauté, travaille dans ce secteur ! »

Un stage au corner beauté du Bon Marché a des allures de révélation. « Je me suis passionnée pour le retail, le terrain et la vente. Et aux produits de niche, j’ai eu l’idée d’adjoindre le service et les conseils. » Elle lance Oh My Cream tout en donnant des cours de maths pour gagner sa vie. Quand on souligne sa témérité, elle y voit « plutôt de l’inconscience ou de la naïveté », arguant d’un environnement familial comptant beaucoup d’entrepreneurs. L’autre faille révèle son optimisme. En 2016, portée par la réussite de l’entreprise, elle ne voit pas venir le manque de cash qui se profile suite à l’envolée du chiffre d’affaires et à des stocks trop importants. La voilà contrainte de faire une levée de fonds en un temps record, avec Eutopia qui la sauve de ce mauvais pas, tandis que la DGCCRF épingle un tiers de ses assortiments insuffisamment étiquetés. Aujourd’hui, cette adepte du vite fait, bien fait demeure persuadée qu’elle doit toujours combattre son « poil dans la main ». Une destinée qui lui réussit.

Parcours

2010. Diplômée de l’Essec.

2012. Lance Oh My Cream.

2013. Ouvre sa première boutique rue de Tournon dans le 6e à Paris.

2017. Lancement de sa marque propre de soin.

2022. Création de la ligne de maquillage de sa marque.

2022. Ouverture de deux boutiques à Londres et d'une en Belgique.

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