En campagne actuellement, Suez, après le rachat d'une partie de son activité par Veolia, a entamé en 2022 un chantier autour de sa marque. Les éclairages de Frederick Jeske-Schoenhoven, directeur de la stratégie, du développement durable et de la communication, vice-président exécutif de Suez.
Vous déployez actuellement, avec Publicis LMA, une campagne sur vos métiers…
Frederick Jeske-Schoenhoven. C’est la première fois que nous faisons une campagne de cette ampleur. Elle poursuit deux objectifs, l’un externe, l’autre interne. D’un côté, il s’agit de rappeler les solutions que nous déployons pour produire des services essentiels aux bénéfices quotidiens pour les Français. En réalité, la production d’eau potable est un processus industriel et sa délivrance, une vraie activité de services. Si vous habitez l’Ouest parisien, vous buvez sûrement une eau potabilisée, issue notamment de l’eau de la Seine… De l’autre, c’est une manière de rendre hommage aux équipes, résilientes pendant le covid – en première ligne pour ramasser les poubelles, traiter les eaux usées – et par ailleurs marquées par l’épisode de l’OPA [une OPA hostile de Veolia a abouti, en janvier 2022, à l’intégration d’une majeure partie de Suez dans Veolia]. Nous avons de premiers retours de l’interne sur cette campagne. La fierté des équipes est touchante. Certains se prennent en photo devant les affiches. On l’espérait. Ces remontées proviennent des salariés de terrain et des cadres.
La campagne s’inscrit dans un plan stratégique 2022-2027. À quel point ce plan marque-t-il un tournant pour le « nouveau » Suez, celui basé sur les actifs non intégrés à Veolia en 2022 ?
La campagne est une manière de réaffirmer l’unicité de l’entreprise autour de ses deux activités, le recyclage, la valorisation des déchets et la gestion de l’eau. Ce qui fait cette unicité est notre ambition de devenir le partenaire de référence pour les solutions circulaires. C’est la colonne vertébrale qui se déploie selon les besoins des pays [Suez est présent dans 40 pays]. Notre plan stratégique se déploie en trois axes : focus (recentrage sur nos deux métiers), création de valeur (pour nos salariés, les collectivités et nos actionnaires) et différenciation (par exemple, sur l’innovation, nous proposons des solutions circulaires comme le dessalement ou la production de biométhane à partir de biodéchets).
D’où êtes-vous repartis pour repenser l’entreprise et surtout la marque Suez dans cette nouvelle étape de développement ?
La perception de la marque Suez, fruit de 160 ans d’histoire, est assez brouillée. Certains nous associent encore à un grand groupe gazier. Peu de gens savent que l’on intervient sur toute la chaîne de valeur de l’économie circulaire [de la collecte au recyclage des déchets, de la production à la distribution d’eau en passant par le traitement des eaux usées]. Nous avons besoin que nos clients, nos partenaires, les usagers comprennent nos métiers et avons besoin d’utiliser la marque pour transmettre l’idée que ce sont des activités industrielles et de services technologiquement avancées. Par exemple, avant, nous utilisions des visuels de « nature sublimée » (lac cristallin de haute montagne…) mais cela n’exprimait pas les moyens technologiques déployés pour produire de l’eau potable ou valoriser des déchets.
Désormais, nous mettons en avant les femmes et les hommes de Suez dans leur situation de travail. Notre communication institutionnelle montre nos actifs industriels avec l’humain au centre. Ce tournant a été pris avec la nouvelle direction menée par Sabrina Soussan, PDG de Suez, dès 2022. C’est la même conviction qui nous a amenés à sponsoriser l’équipe cycliste féminine FDJ-Suez, pour marquer le côté humain, collectif, l’ancrage dans les territoires. Nous avons établi trois priorités pour la marque : accroître sa valeur, s’en servir pour générer de la demande des clients, accompagner le changement.
Quid de l’avenir du nom « Suez », que votre plan stratégique présente comme une force, « une marque reconnue en France et à l’international » ?
Nous avons dressé un bilan de la marque. Nous souhaitions pour cela nous appuyer sur des faits. Nous avons donc réalisé un audit dans nos principaux pays d’opération en interrogeant à la fois nos clients et nos commerciaux. Il en sort que Suez a repris la valeur des autres marques historiques du groupe (Sita, Degrémont, Lyonnaise des Eaux, qui ont jalonné son histoire) et n’a pas souffert des turbulences financières. C’est une très belle marque, avec une grande notoriété. Il nous faut la cultiver pour la développer encore davantage. C’est le travail que nous menons actuellement avec de premiers résultats prévus au premier semestre 2024.
Quelle est la part de la dimension RSE dans la marque et comment allez-vous incarner cette dimension au-delà des déclarations ?
En février dernier, nous avons lancé un chantier de transformation en commençant par la redéfinition de la raison d’être de l’entreprise. Les services à l’environnement, la circularité sont au cœur de cette raison d’être. C’est notre étoile polaire, et la stratégie, notre boussole. Nous avons fait le choix d’être honnêtes, ambitieux mais pragmatiques : nous avons publié en janvier une feuille de route développement durable pour 2023-2027, comprenant 43 engagements adossés à des KPI, sur lesquels nous rendrons compte tous les ans de nos progrès.
Les enjeux climatiques n’ont jamais été aussi majeurs : tensions sur l’eau, sécheresses et tempêtes… Quel rôle pensez-vous avoir en tant que marque face à ces enjeux ?
La marque incarne d’abord le fait que nous fournissons des solutions aux problèmes de raréfaction de l’eau et de dégradation de sa qualité. C’est ce que l’on exprime par la mise en avant de nos métiers. Face à la prise de conscience que ces enjeux ne concernent pas seulement les pays sous certaines latitudes ou les moins développés, nous avons aussi un rôle pédagogique qui s’accroît. Nous nous faisons le porte-parole, avec d’autres acteurs du secteur, du fait que face au défi hydrique, nous savons apporter à nos clients des solutions de sobriété (solutions digitales de suivi du comportement de consommation, de conseil aux collectivités, de détection des fuites…). Nous intervenons ensuite sur la préservation de la ressource et la production d’eau potable.
Quelles seront vos priorités pour la marque en 2024 ?
Notre priorité est de continuer à développer, à enrichir la marque. La campagne a été construite pour pouvoir intégrer d’autres thèmes : nous prévoyons de la décliner localement, dans d’autres pays.
Chiffres clés
40 000 Nombre de collaborateurs de Suez, dont 26 000 en France.
8,8 milliards d’euros Chiffre d’affaires 2022, dont 73% réalisé en France.
60 % Part de l’activité réalisée dans les déchets, contre 40% pour l’activité eau.