[Billet] Un legging ou une gourde estampillée de la tête de l'écrivain. Un marketing d’un kitsch extravagant qui semble nous signifier : qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ne jamais vraiment lire Proust ?
Comme ça, spontanément, on n’associe pas forcément les deux termes : « Proust » et « rillettes ». Pourtant, l’impensable a été commis : Les Rillettes de Proust : 50 conseils pour devenir écrivain montre, en ce centenaire Proust, à quel point l’imaginaire des éditeurs est sans limites. Sur les rayonnages, La Cuisine retrouvée côtoie Proust à la plage - La Recherche du temps perdu dans un transat ou encore La Chaussette de Proust, à l’argument étonnant : « Une histoire pleine d’humour qui répond enfin à la fameuse question : pourquoi des chaussettes disparaissent toujours dans nos machines à laver ? »… Longtemps, j’ai marketé de bonne heure ? Les amateurs de La Recherche frémissent à l’avance de trouver sous le sapin un legging Proust qui aurait fait défaillir Oriane de Guermantes, une robe-trapèze imprimée du regard mélancolique de Marcel, une gourde sur laquelle Proust est curieusement affublé d’un bonnet de Père Noël, ou encore un masque anti-covid - vibrant hommage au grand asthmatique - fièrement estampillé « Proust reader ». Précisément. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ne jamais vraiment lire Proust ?, semble nous signifier ce marketing d’un kitsch extravagant. Voilà qui rappelle l’horripilante - mais rusée - madame Verdurin, qui, dans Un Amour de Swann tenait salon, parlant des livres sans les avoir lus, avec force expressions frelatées. Aujourd’hui, les Verdurin utiliseraient probablement les termes « typiquement », « c'est compliqué » et « à très vite ». Et allumeraient une bougie parfumée « Madeleine de Proust » ?