La crise écologique et climatique transforme depuis plusieurs années déjà les habitudes de consommation des Européens. Mais tous les pays ne sont pas égaux en termes de consommation éthique. La Suède, pays d’origine de Greta Thunberg et des marches pour le climat, semble en effet avoir une longueur d’avance et les tendances qu’on y observe aujourd’hui pourraient bien redéfinir les habitudes de consommation des Français d’ici quelques années. Cette éventualité est d’autant plus probable que la France apparait comme l’un des pays les mieux préparés économiquement et culturellement pour adopter le modèle suédois de consommation éthique.
Le renouveau de la seconde main est certainement l’une des tendances de consommation les plus marquantes actuellement en Suède. Quoi de plus écologique en effet que de redonner une nouvelle vie à un objet plutôt que d’en consommer un nouveau ? C’est bien ce raisonnement qui motive les Suédois à se tourner vers les friperies et les magasins spécialisés dans la vente d’occasion.
En France, le marché de la seconde main se développe également sur le terreau fertile que représente la culture de la brocante. Certains acteurs de la grande distribution ont ainsi anticipé la tendance en ouvrant des annexes dédiées aux produits de seconde main. Mais ce développement du secteur de l’occasion en France n’est pas comparable à l’engouement populaire qui touche le marché suédois et surtout, même si cela est en train de changer, il répond d’abord à une motivation prix avant de répondre à des préoccupations écologiques. Cette situation pourrait toutefois évoluer, si la conscience écologique des Français s’associe à leur goût des vide-greniers.
La qualité passe enfin avant la quantité
Autre tendance forte qui détonne au pays de H&M et Ikea : les Suédois tendent désormais à privilégier la qualité plutôt que la quantité. Les marques proposant des produits durables ont le vent en poupe dans tous les domaines, tandis que les achats impulsifs de produits éphémères ont considérablement diminué. Les Suédois expriment à l’égard de la surconsommation le même rejet que celui qui a précédemment touché les voyages en avion et qui a vu naitre le terme de «flygskam» désignant la honte de prendre l’avion.
Cette motivation écologique à privilégier la qualité pourrait elle aussi trouver en France un terrain favorable : le label «made in France» est, pour de nombreux produits, synonyme de qualité, de savoir-faire et de longévité. Le patriotisme économique et le goût pour les produits locaux pourraient ainsi favoriser le développement d’une consommation éthique tournée vers les produits durables.
Vulnérabilité des commerces de proximité
Les consommateurs français pourraient donc s’inspirer du modèle suédois et en tirer profit. Mais l’influence en matière de consommation éthique n’est pas à sens unique. Le modèle suédois de consommation éthique semble en effet connaître une faiblesse que le modèle français est mieux préparé à affronter : la vulnérabilité des commerces de proximité face au e-commerce.
En 2020, deux événements majeurs ont déstabilisé les commerces locaux en Suède : la pandémie de Covid-19 bien sûr, mais aussi l’arrivée d’Amazon, qui a investi le pays dans des circonstances particulièrement favorables. Peu sensibilisés aux excès du e-commerce, les Suédois ont moins soutenu leurs commerces locaux que ne l'ont fait les consommateurs français. Le local est pourtant un aspect essentiel de la consommation éthique tant sur le plan écologique que social. Sur ce point, les consommateurs français n’ont donc rien à envier aux scandinaves.
La consommation éthique suédoise est ainsi fortement liée à la crise écologique, mais elle est également motivée par une conscience des enjeux sociaux et humains derrière les nouveaux modes de consommation. C’est pourquoi une véritable réflexion est menée dans le pays sous la houlette des syndicats en vue d’une prise en charge éthique de la logistique du dernier kilomètre. Cette recherche d’alternatives plus vertueuses socialement n’en est en France qu’au stade embryonnaire, à travers notamment de petites initiatives indépendantes, comme CoopCycle, qui vise à auto-organiser les livreurs. Mais la responsabilité sociale pourrait bien elle aussi devenir un moteur de la consommation éthique dans le pays qui a inventé la sécurité sociale.