Tribune
Renforcer le lien avec les clients nationaux en soignant l'expérience en boutique, aller à la rencontre de la génération Z ou encore répondre à la quête de sens des consommateurs sont autant de défis que doit relever le secteur du luxe dans les mois qui viennent.

C’est un fait : le monde ne voyage plus. Et tandis que les acteurs du tourisme et de l’aérien ne prédisent un retour à la normale qu’à compter de 2024, il est légitime de se préparer dès à présent aux répercussions sérieuses et durables d’une France privée de ses consommateurs internationaux. Parmi les premiers concernés, le secteur du luxe, traditionnellement boosté par une clientèle venue d’Asie ou du Moyen-Orient, et qui doit composer avec un effondrement estimé à 35% cette année, selon le cabinet Bain & Company. Pour le luxe, l’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit d’activer rapidement les leviers lui permettant d’acquérir, et de fidéliser, un consommateur local qu’il a longtemps négligé, au pouvoir d’achat souvent bien plus faible, et aux attentes très différentes.

Parallèlement à cela, la clientèle du luxe se renouvelle, et connait actuellement de profondes mutations. D’ici 2030, la génération Z, qui a grandi entourée d'une technologie omniprésente, représentera ainsi le groupe de consommateurs le plus influent pour les marques de luxe. Cette génération, influençant par la même occasion ses ainés, exige en outre désormais des marques qu’elles deviennent des modèles éthiques et sociaux.

Priorité à l'adaptation de l’expérience en boutique

Client historique, et si j’ose dire, emblématique des boutiques de luxe françaises, le voyageur a modelé une expérience client bien particulière. Parce qu’il ne viendra très probablement qu’une seule fois dans sa vie dans cette boutique, parce qu’il aura en tête une liste précise et exhaustive des produits qu’il souhaite acquérir, parce qu’il sera bien souvent dans «l’urgence» du voyage, et enfin parce que son pouvoir d’achat sera vraisemblablement bien supérieur à celui d’un consommateur français, les enjeux liés à son passage en point de vente entraîneront une expérience finalement assez pauvre en relationnel.

A contrario, le consommateur local, boudé par le secteur tout entier depuis des années, a lui grandement besoin d’être chouchouté. Et pas seulement - voire pas du tout - pour flatter son ego, mais surtout pour être rassuré quant à l’accueil qui lui sera réservé, en dépit d’un budget plus restreint, comme de nouvelles angoisses nées de la crise du Covid. Aussi les marques vont devoir accompagner leurs équipes de vente pour inscrire davantage la relation client sur le long terme, avec une expérience du service forte, de manière à se positionner comme le partenaire de leur client. Demain plus que jamais, être reconnu par son conseiller, recevoir des messages de sa part pour avertir de l’arrivée de nouveaux produits ou se voir proposer des rendez-vous personnalisés pour une découverte privilégiée feront la différence.

Aller à la rencontre de la génération Z

Pour la plupart des consommateurs de la génération Z, la mémoire de l'utilisation du téléphone portable remonte aussi loin que leurs premiers souvenirs. C’est dire l’influence et l’importance de la technologie dans leur vie et leurs parcours d’achat. Leur perception et analyse d’une marque et de son offre ont été modelées des années durant par les mécanismes du digital, et notamment ceux des réseaux sociaux, apportant une réelle proximité dans leurs relations aux marques. Ils s’attendent donc à vivre en boutique des expériences qui rendront tangible l’histoire de la marque mais aussi à trouver des lieux qui ne soient plus des temples dédiés à la gloire de ces dernières, mais des espaces où l’on se sent chez soi. Les frontières s’effacent, et la boutique s'invite désormais chez le client, grâce au live streaming par exemple, média idéal pour créer de nouvelles connexions, garder le contact, ou encore donner envie de revenir en boutique.

Les plus jeunes de nos concitoyens se caractérisent également par un désintérêt progressif du concept strict d’acquisition, au profit de l’usage, de l’expérience (leasing, co-voiturage…). En d’autres termes, ils ne veulent plus seulement acheter un produit de luxe, et l’exposer, ils veulent vivre une expérience du luxe. Leur quête n’est plus seulement le produit, mais bien le parcours et l’expérience proposés autour de ce dernier. En témoigne également l’essor des services de location de biens premium, qu’il s’agira donc de développer.

Une nécessité : décélérer, pour mieux se responsabiliser

De plus en plus de clients intellectualisent encore plus qu’avant leur rapport à la consommation, tant la crise sanitaire, économique et sociale traversée a impacté leur quotidien. Leur quête de sens est plus ou moins prégnante, mais toujours sous-jacente. S’ils sont prêts à dépenser une somme d’argent importante pour un produit de luxe, ils exigent en retour d’être informés des initiatives prises par la marque pour construire ce «monde d’après» auquel ils entendent prétendre.

Relocalisation des productions, approvisionnement matière plus responsable, ralentissement des collections, respect des droits humains et de la cause animale… Les possibilités sont nombreuses et ne sont plus optionnelles pour le secteur. Le luxe doit intégrer qu’il ne vend pas seulement du rêve. Il en va aujourd’hui de sa survie. Selon un sondage The Good Company, 49% des millennials ont déjà délaissé une marque à cause d’un manque d’éthique.

Enfin, nos maisons de luxe tricolores, de par leur reconnaissance historique, ont un devoir d’exemplarité vis-à-vis de leurs consœurs internationales. Épiées, jalousées, et bien souvent copiées, il leur appartient de montrer la voie d’une consommation moins frénétique et plus responsable, via une expérience qui sache remettre le conseiller et son client au centre d’une relation simplifiée et humanisée.

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