Tribune
Deux publicités entraperçues récemment m’encouragent et m’obligent à prendre la plume en cette période de crise sanitaire qui malmène bien des pans de notre économie et, semble-il, quelques cerveaux qui se retrouvent en surchauffe.

Les femmes ne sont que du bétail. C’est en tout cas l’image que donnent à voir ces deux annonces à tout le moins déconcertantes et étourdissantes. Elles ne sont évidemment pas les seules. Pour la première, il s’agit d’un affichage 4 par 3 émanant d’une entreprise de chauffage nordiste, Chauffage du Nord, invitant le client à recourir à ses services. Celle-ci n’est pas nouvelle mais demeure présente çà et là au cœur de la métropole lilloise. On mesurera d’emblée la pertinence de l’ensemble du propos à la lecture du message - «Quand il fait froid dehors, Chauffage du Nord j'adore» -, porté au beau milieu de l’été et au cœur d’épisodes caniculaires notoires. L’illustration se passe, elle, de tout commentaire esthétique et déontologique, et n’a pour seul objet que d’appâter les yeux les plus frustrés et les esprits les plus simplets.

Pour la seconde, il s’agit de la communication de lancement du centre commercial Lillenium, dont les portes se sont enfin ouvertes fin août au cœur de Lille, plusieurs années après la date initialement escomptée. Les atermoiements de calendrier se doublent ici d’un retard symbolique dans l’appréciation des codes communicationnels et culturels. Les signes exposés sont dépassés, le cadrage et l’ambiance sont surannés, et les messages visuels entretiennent les lourdeurs libidinales et charnelles du siècle dernier. Deux jeunes femmes, que l’on croirait sorties d’un mauvais remake de la série Sex and the city, aguichent le chaland potentiel, un verre à la main, en position racoleuse. Savoir choquer est un art. N'est pas Oliviero Toscani qui veut !

Au-delà du caractère véritablement douteux et indécent d’un tel choix stratégique, il convient de s’interroger plus largement sur le rôle de la publicité au cœur de notre société, absolument indispensable pour valoriser le travail des hommes et des femmes qui façonnent les marques de notre époque, et pour orienter valablement la juste information du public, en complément de la presse traditionnelle.

Imaginaire collectif

La publicité du XXIe siècle ne doit pas ressusciter les stéréotypes graveleux d’antan ou renforcer les clichés qui ont encore cours à l’heure actuelle. Elle doit épouser, voire devancer, les tendances manifestes en gestation au sein de la société, synonymes de convergences vers un commun respectable et viable. La publicité doit être source de valeur et promesse d’avenir.

Le monde de la communication dans son ensemble ne doit pas perdre de vue qu’il fascine les individus et façonne le monde à sa manière et à sa mesure. La publicité fait partie de l’imaginaire collectif et participe à la construction mentale que nous nous faisons de notre société au présent et de celle que nous aspirons à esquisser pour le futur. Proposer ces exemples à la vue de tous n’est guère un signal très réjouissant quant à la vision que se font certains de nos lendemains. Si elle entend répondre aux attentes citoyennes, qui ne manquent pas, et restaurer la confiance qu’elle réclame autant que le sens qu’elle recherche, la publicité doit s’engager plus sérieusement et plus sincèrement encore.

Prétendre ou vouloir faire croire que la seule manière d’attirer l’attention et l’œil du consommateur est d’apposer à la vue de tous une femme à demi-nue ou dans une posture tendancieuse, et franchement peu flatteuse pour la condition humaine, est anachronique et pathétique. Il n’est évidemment pas question ici de rejeter la beauté du corps humain, qui traverse les âges et les sexes.

Il est parfaitement réjouissant et sincèrement réconfortant que chacun puisse s’exprimer librement et puisse exposer ses désirs et ses envies sans entraves, dans le strict respect de la loi. Malheureusement, cette liberté d’expression que nous possédons tous accouche parfois de choix éditoriaux, langagiers ou visuels douteux, fétides et rétrogrades. Chacun est alors libre, à son tour, dans l’identique et juste respect de ce même droit, de prendre la plume ou de battre le pavé, en gardant toujours à l’esprit que les actes et les propos que nous formulons aujourd’hui sculpteront nécessairement le monde dans lequel nous évoluerons demain. Pour le meilleur comme pour le pire. Il ne tient qu’à nous de le choisir.

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