Avez-vous remarqué le phénomène qui a eu lieu durant cette crise ? D’un côté, les réseaux sociaux ont été en ébullition. De l’autre, les marques ont été pratiquement atones. Surprenant dans une période où les gens ont rarement été aussi réceptifs à ce qui les entoure ? Pas tellement. Les marques ont eu peur de diffuser des messages en décalage avec ce que vivaient réellement les individus, et d’essuyer des vents de critiques sur ces plateformes à la portée infinie. Ce constat est saisissant par sa radicalité. Le transfert du pouvoir aux individus, amorcé depuis presque deux décennies, a vécu alors son avènement.
En cette période de crise, les individus ont partagé leurs créations, leurs opinions, leurs inspirations, réduisant les marques à un territoire d’expression que nous pourrions résumer ainsi : «soyez utile ou taisez-vous». Même atténué, ce sentiment n'est-il pas destiné à s’ancrer dans la durée ?
La plupart des intellectuels de notre société se sont accordés à dire que le monde changera profondément suite à cette période troublée. Même si ce constat est aujourd’hui plus nuancé, la question reste d’actualité dans cette crise qui ne fait que débuter. En effet, d’abord sanitaire, elle devient économique puis probablement sociétale. Mais cette prédiction est-elle finalement une évolution naturelle inéluctable ou un vœu pieux ? Certainement les deux. Le monde changera parce que cette crise inédite a une propension forte à révéler la profonde quête de sens qui grandit depuis des années dans notre société.
Les marques en première ligne
Les individus, et les médias avec eux, s’interrogent sur la vision du travail quand ce sont les emplois les moins bien considérés qui font vivre actuellement le pays. Le monde s’aperçoit que la planète se porte bien mieux depuis que la consommation et les déplacements sont limités. Nos relations gagnent en substance depuis que nous sommes confinés et éloignés les uns des autres. Les entreprises sont invectivées pour ne pas verser de dividendes et privilégier le travail et la solidarité.
C'est autant de sujets à controverse qui se sont insidieusement insérés dans l’esprit des populations, et pour lesquelles les marques devront prendre position. Tout simplement parce qu’elles sont directement concernées. Et bien que partiellement limitées en cette période, les marques sont déjà en première ligne dans cette transformation. Les gagnantes seront celles qui l’auront pensée, voire initiée. Elles devront en tout cas avoir mené une introspection sur leurs valeurs, leur mission, leur organisation.
Impliquer les consommateurs
Mais les marques devront surtout avoir impliqué les consommateurs en se rappelant humblement que cette dynamique part des individus. Dans ce nouveau monde, ils pourront à eux seuls décréter ce qui est adéquat ou mal venu. Ils le font déjà aujourd’hui en rappelant aux marques que leurs communications sont inappropriées. Ils le feront demain sur l’utilité réelle qu’elles prodiguent à la société. Ce basculement du pouvoir ne fera que s’intensifier.
Les relations entre marques et individus devront alors plus que jamais se renforcer, gagner en régularité, en transparence. Pour réussir cette transformation, les sociétés d'études auront un rôle d’intermédiaire essentiel à jouer pour porter quotidiennement la voix des consommateurs auprès des marques, avec une approche et une méthodologie plus agiles.
Les projets nés de l’opinion seront destinés à fédérer, bien qu’en s’émancipant parfois d’un aspect purement financier. Car les défis iront bien au-delà. On prévoit suite à cette crise un retour à l’essentiel, alors la marque devra s’assurer de ne pas devenir superflue. L’élan collectif va s’amplifier, alors il faudra participer à cette solidarité. La considération portée au travailleur va changer, alors il faudra contribuer à le valoriser. Les raisons de choisir les marques seront plus exigeantes que jamais. Et elles devront y répondre. Toute crise peut être un nouveau départ. Encore faut-il s’y préparer.