Tribune
Alors que les entreprises préparent déjà l’après-confinement, la tentation de refermer trop vite la parenthèse de la crise pourrait sonner comme une erreur majeure, dans un contexte concurrentiel durci par la récession.

Les dernières semaines ont vu la plupart des marques se concentrer sur des actions immédiates. Ce qui frappe : celles qui communiquent le mieux pendant cette crise sont celles qui communiquaient déjà le mieux avant. Non pas parce qu’elles s’y étaient préparées spécifiquement mais parce qu’elles possèdent intrinsèquement une longueur d’avance sur les autres. Un unfair advantage qui rend les situations les plus difficiles plus simples à appréhender. Dans nos métiers, par nécessité, nous avons pris l’habitude de réparer l’avion en volant. Mais pour dire les choses simplement : on ne répare pas un avion en vol quand on entre dans une zone de turbulences. On s’accroche comme on peut.

S’accrocher à ce qu’elles savent faire, c’est ce que font toutes les marques aujourd’hui. Et dans ce contexte, il y a d’un côté, celles qui impressionnent, et de l’autre, celles qui, dans le doute, ne disent rien, ou pas grand-chose, ce qui est souvent mieux que dire n’importe quoi. Dans cette crise, il n’y a pas de miracle, de campagne inattendue. Parce que le Covid-19 n’est pas un brief et qu’une pandémie n’invite pas à la crise d’identité.

Quand Nike lance Play inside, play for the world, il n’y a rien que l’on ne sache déjà. Incarnation d’une raison d’être haute et juste, capacité à donner vie à un discours puissant dans une économie de moyens, aptitude à entrer en résonnance culturelle avec ses publics et connexion à l’écosystème serviciel de la marque. Combien de marques sont capables d’en faire autant ? Aussi vite ? Pour faire ça, il faut avoir réuni toutes les conditions avant la crise.

Un révélateur

Une crise d’une telle ampleur agit comme un révélateur, un stress-test qui questionne l’état de santé de chaque marque, de sa communication, de l’expérience qu’elle délivre. Un projecteur qui éclaire ce qui marche et ce qui est défaillant, ce qui constitue des certitudes sur lesquelles bâtir pour longtemps et ce qui n’était, rétrospectivement, peut-être pas une si bonne idée. Un temps pour l’analyse, pour préparer l’avenir, pour construire une marque plus forte, plus utile.

La raison d’être de ma marque est-elle suffisamment légitime, profonde et pertinente pour être porteuse de sens quelle que soit la situation ? La valeur qu’elle délivre apporte-t-elle quelque chose de fondamental à mes clients ? Suis-je capable d’en faire la démonstration sur l’ensemble de mon système d’expérience ? Ai-je assez développé la relation direct-to-consumer pour assurer la continuité de mon service ? Suis-je toujours capable d’exister dans la culture de mes communautés ?

Derrière ces questions, il y a l’idée que ce n’est pas ce que dit la marque qui la prépare à ce type de crise. C’est ce qu’elle fait, depuis des années, la façon dont elle le fait, dont elle en apporte la preuve, comment chaque collaborateur s’est approprié et incarne une vérité profonde. Un système de valeurs qui guide les choix et qui construit, in fine, une culture commune. C’est cette culture qui bâtit les marques fortes, ce que l’accumulation d’actions court-termistes et d’optimisations à la marge ne permettront jamais d’obtenir.

Le Covid-19 ne modifiera pas les dynamiques de la plupart des secteurs. Au contraire, il les accélèrera. Face aux mutations de l’époque (sociétales, culturelles et écologiques), la transformation des marques est plus que jamais à l’ordre du jour. Ne traiter cette crise qu’au niveau tactique, c’est passer à côté d’un reality-check salutaire, fondateur d’une culture ranimée, accélératrice des adaptations qui s’imposeront rapidement aux organisations, qu’elles le veuillent ou non.

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