«Notre activité s'est subitement arrêtée, il y aura un manque à gagner énorme, alors que ce sont les vacances les plus longues pour les Chinois qui ont quinze jours pour voyager. D'ordinaire nous les accueillons particulièrement bien à cette période, qui est la basse saison en Europe», explique à l'AFP Pierre Shi, président de l'Association chinoise des agences de voyages en France (Acav).
Les 50 agences regroupées au sein de l'Acav, qui font venir 150 000 touristes chinois par an en France et ailleurs en Europe, espèrent pouvoir «mettre leur personnel au chômage technique, car les voyages prévus au premier trimestre sont annulés. Nous avons déjà perdu un tiers de chiffre d'affaires», dit-il.
La Chine, engagée dans une bataille pour endiguer l'extension de l'épidémie de coronavirus qui a fait plus de 100 morts et contaminé plus de 4 500 personnes dans le pays, selon le dernier bilan officiel, a recommandé mardi à ses ressortissants de reporter leurs voyages à l'étranger.
Or avec plus de 2 millions de visiteurs par an, les Chinois représentent une clientèle de poids en France, et surtout la plus dépensière: ils génèrent 7% de la recette touristique soit 4 milliards d'euros, alors qu'ils ne représentent que 2,5% de la fréquentation touristique.
Un tiers des ventes du secteur du luxe
Les festivités du Nouvel An chinois, du 25 janvier au 8 février, et les deux semaines suivantes, sont cruciales pour les commerçants: en 2018 et 2019, les ventes détaxées des touristes chinois sur la période ont représenté environ 10% du total de leurs dépenses annuelles, selon l'opérateur de détaxe Planet. Or les Chinois génèrent aujourd'hui un tiers des ventes du secteur du luxe, contre moins de 10% en 2003, au moment de l'épidémie de Sras, a rappelé mardi la banque UBS dans une note.
Pour les professionnels spécialisés dans l'accueil de cette clientèle, l'impact a donc été immédiat. C'est le cas pour le groupe Franchina, qui accueille 5 à 6 000 touristes par an, une clientèle familiale ou d'affaires habituée des hôtels cinq étoiles prisés par la clientèle chinoise à Paris, tels que le Shangri-La, le Péninsula ou le Mandarin, des boutiques de luxe et des griffes de prêt à porter de l'avenue Montaigne.
«Ce mercredi, nous devions recevoir une délégation de six médecins mais ils ont annulé», relate à l'AFP son fondateur, Jean-François Zhou. «En Chine, tous les médecins sont mobilisés, ils sont sur le qui-vive pour pouvoir soulager leurs collègues débordés, partis au front dans la ville de Wuhan.»
«Un impact marginal»
Epicentre de l'épidémie, Wuhan, métropole de 11 millions d'habitants au centre de la Chine, est coupée du monde depuis jeudi par un cordon sanitaire draconien. «Nous gardons le moral, les plus optimistes pensent que l'épidémie sera endiguée dans deux mois, les plus pessimistes disent quatre mois», dit Jean-François Zhou, qui prépare déjà des offres promotionnelles pour faciliter la reprise de l'activité, dans quelques mois, à l'instar des agences adhérentes de l'Acav. Pour d'autres, l'impact est en revanche faible.
«À l'heure actuelle, je ne vois qu'un impact marginal» de la crise du coronavirus sur le tourisme français, estime Georges Panayotis, président fondateur du cabinet d'études MKG Group, interrogé par l'AFP. Le marché hôtelier parisien, fréquenté par la clientèle chinoise, est «en sous-capacité». Si celle-ci diminue, «d'autres prendront sa place», prédit-il. Et avec l'accélération de la circulation de l'information, les crises «ne durent pas longtemps» et «n'influencent pas les tendances de fonds», selon lui.