«Exaspération et incompréhension.» Le communiqué de presse de la Fédération française de karaté (FFK), le 21 février 2019, donne la couleur: noire. Alors que la discipline est sélectionnée aux Jeux olympiques de Tokyo 2020 –il aura quand-même fallu que ce soit dans le berceau du karaté pour qu’elle soit enfin au JO!– les karatékas s’attendaient à ce qu’il en soit de même pour Paris 2024. Las! Le comité d’organisation des jeux olympiques (Cojo), en décide autrement. «Le rêve de milliers de jeunes karatékas vient de se briser. Nous serons bien présents à Tokyo, mais il n’y aura pas de lendemain», déplore Francis Didier, président de la FFK, qui représente 250 000 licenciés en France dont 120 000 jeunes et 40% de femmes. «Notre présentation faite le 7 janvier dernier devant les représentants du Cojo, s’était pourtant bien déroulée, écrit-il. Et puis sans explication, tout s’est emballé.»
Témoins de ce revers cinglant, Pascal Crifo, fondateur et CEO de Blue449 et Guillaume Cossou. Ce qui les réunit: Publicis Sport, qu’ils sont en train de créer. Le premier est CEO et le second, directeur général. «L’agence n’est pas encore officiellement lancée [elle le sera le 11 avril], je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour aider la Fédération tombée sous le choc à l’annonce de la nouvelle», raconte Pascal Crifo. Étranger au karaté, à la différence de son acolyte double champion du monde en 2004, il dit s’étonner de ce refus du Cojo malgré la proximité des valeurs de la discipline avec celles de l’olympisme. «Il y a un code d’honneur, on se salue avant et après le combat, on est aussi dans le plus vite, plus haut, plus fort, donc nous avons voulu les aider à communiquer car ils avaient une posture défensive liée à leur tristesse. Il fallait révéler ce qu’est le karaté est être positif», ajoute-t-il.
Belt of Hope
Pas de compétition pour gagner ce budget –qui est modeste d’ailleurs–, mais le carnet d’adresse de Guillaume Cossou, qui connaît bien Fédé. «Je l’ai ai appelés et leur ai expliqué qu’on voulait les accompagner sur le long terme pour occuper le terrain en communication», explique l’ancien champion. Que faire pour sensibiliser l’opinion et le Cojo? L’idée vient de Julien Simons, directeur de création chez Marcel –Publicis Sport ne compte que trois collaborateurs pour l’instant, mais s'appuie sur les expertises du groupe Publicis. «Le mythe du karatéka, c’est sa ceinture. Comme les couleurs olympiques sont les mêmes que celles de la Fédération mondiale de karaté, on a alors créé une ceinture arborant ces couleurs, afin de souligner leur proximité» détaille Guillaume Cossou. Le premier temps fort a lieu lors des championnats d’Europe de Guadalajara en Espagne, début avril, lorsque les athlètes portent cette ceinture (baptisée «Belt of Hope») lors de la présentation aux juges.
L’opération est également soutenue par un film mettant en scène Yann Baillon, coach de l’équipe de France, qui compte plusieurs champions du monde dans ses rangs. Il adresse un étonnant discours de «démotivation» aux athlètes. «Le but est de montrer que derrière les combats spectaculaires, il y a des sportifs qui misent tout sur cet événement, qui mettent parfois leurs études entre parenthèses pour cela», souligne-t-on chez Publicis Sport. En sus d’avoir eu de bonnes retombées presse, la campagne pourrait bien faire parler au Cojo. Mais cette opération est surtout la face visible. Le reste se joue au niveau fédéral. «Tous les recours possibles seront lancés» a déclaré Antonio Espinos, président de la Fédération mondiale de karaté, cité par L'Équipe.
Dans un troisième temps, des coffrets contenant la ceinture seront distribués à des sportifs de haut niveau hors du champ du karaté, et à des influenceurs. Parmi les personnalités visées, Guillaume Cossou pense par exemple à l’ancienne ministre des Sports, Chantal Jouanno, 12 fois championne de France et championne d’Europe. Comme on dit: Hajime!