La fourrure, un sujet coton pour les marques. Que ce soit par conviction, par stratégie ou sous la pression des détracteurs, certaines vont jusqu’à… en sortir totalement. « La tendance depuis cinq ans est qu’elles renoncent à utiliser de la fourrure car elles prennent en compte le bien-être animal », observe Françoise Sance, directrice conseil associée de Cap Sirius, agence spécialisée en gestion de crise. Un mouvement porté par des précurseurs, comme la créatrice Stella McCartney. Dans la même lignée, près d’un millier de marques ou enseignes au niveau mondial sont aujourd'hui répertoriées dans le programme « Fur Free Retailer », dédié à l'information du public.
Une Fashion Week sans fourrure
Avec des consommateurs de plus en plus avisés, et face à la pression des « antis », le mouvement semble avoir de l’avenir. À Londres, « la Fashion Week de septembre 2018 a été déclarée sans fourrure », poursuit la spécialiste. Toutefois, certaines marques continuent à communiquer sur le sujet. « Le marché du luxe est mondial et la question ne suscite pas la même émotion partout », relève Françoise Sance. Ce pari, pour celles qui font ce choix, nécessite une préparation solide. « Cela devient de plus en plus compliqué de communiquer de façon proactive », remarque Emmanuelle Ferrari, directrice conseil associée de Cap Sirius. « Aujourd’hui, très peu prennent la parole pour défendre leur position, sans être sollicitées. Les marques ne vont pas s’exposer d’elles-mêmes là-dessus », indique Françoise Sance. Ont-elles raison ?
Reco n° 1
« Être absolument parfait sur toute la chaîne »
Erwann Le Page, strategy director, public affairs & crisis de Hill+Knowlton Strategies
« La fourrure représente un tel enjeu réputationnel -l’un des plus puissants pour une marque de luxe-, que beaucoup d’entre elles s’en distinguent : Gaultier, Gucci, Versace… Les autres, si elles choisissent de rester sur ce créneau, savent que c’est sensible, donc elles vont se préparer. Pour réussir, il s’agit d’être absolument parfait sur toute la chaîne, notamment sur la production et se former à la crise. Il est fondamental d’être transparent ou encore d’avoir une charte RSE. Par ailleurs, si l’on croit que l’avenir, c’est la fourrure, l’on ne doit pas avoir honte d’en parler. Le conseil : avoir une communication assumée, être à l’aise avec elle. Mais avant tout, il est important de faire preuve de compassion. C’est un sujet sensible touchant au domaine animal. »
Reco n° 2
« Une communication plus contre-productive qu’autre chose »
Jacques Bouey, président de Les Gens Paris
« Ce qui émeut dans la fourrure, ce sont les aspects émotionnel et symbolique, fondé sur le soupçon d’une captation des ressources naturelles au profit de quelques-uns (les plus riches, ndlr). Les millennials, en particulier, sont de plus en plus sensibles à l’engagement des marques. La communication de valorisation sur la fourrure est davantage contre-productive que productive. Descendues de leur piédestal, les marques ont ouvert leurs ateliers. Pour aller plus loin, il leur est difficile voire impossible de garantir la traçabilité de leurs ressources : vu les volumes traités, elles passent par des intermédiaires. On pourrait imaginer que certaines soient capables de sécuriser leurs approvisionnements et de prendre soin des animaux, à l'image de ce qui se passe en cosmétique pour le végétal. Dior, par exemple, crée des jardins. En pratique, cela ne se passe pas ainsi. Ainsi, mieux vaut ne pas y aller. »