« Dans tous les secteurs du luxe, les marques françaises sont citées en premier, à l’exception de l’automobile, où l’on mentionnerait des allemandes », pointe Yves Bonnefont, directeur de DS Automobiles. L’homme donne le coup d’envoi de la DS 7 Crossback, porte-drapeau français dans l’auto premium. Il fallait quand même remonter aux années yéyés et à la mythique Facel-Vega pour trouver trace de luxe chez un français. Ringo Starr, Picasso et François Truffaut en conduisaient une. Albert Camus et Michel Gallimard se tuèrent à son volant, fonçant dans un platane de la RN 6. Rien à voir avec DS. La nouvelle marque du groupe PSA ne vise pas la jet-set, même si la DS 7 s’est offerte une sortie prématurée en mai 2017 en portant Emmanuel Macron lors de son investiture. DS livre une vision française du premium. Un monde où l’on y parle surtout… allemand, depuis que BMW, Mercedes et Audi en ont fixé les lois dans les années 70. Règle n° 1 : arborer une noble mécanique. « Puissante et brutale », grossit le français. À une époque où la vitesse a disparu de la communication – bien que les voitures soient toujours plus véloces – au profit du confort intérieur et de la technologie, DS abat ses propres cartes à elle. « Nous choisissons notre terrain. Ce n’est pas une attaque frontale. Nous misons sur le raffinement français et la haute technologie », souligne le patron de la marque, assurant employer « les meilleurs artisans selliers ». Côté tech, DS avance 15 innovations, dont une inédite : DS Active Scan Suspension, une caméra anticipant la qualité de l’asphalte devant la voiture pour adapter le confort pneumatique. Autre apport exclusif sur ce segment : une caméra à vision nocturne, réservée d’habitude aux limousines. La marque porte l’héritage de l’avant-gardiste DS de 1955, la voiture du général de Gaulle.
La sécurité du SUV
Depuis son émancipation de Citroën en 2015, DS profite de chaque salon international pour en mettre plein la vue, avec des concept-cars dont on peine à croire qu’ils sont français. En 2016, DS montre son énergie latente en dégainant E-Tense, une supercar électrique tenant la dragée haute à Tesla. Las, l’étude de style est remise au garage. « Nous avons envisagé de la produire, mais on arrivait à un coût de plus de 300 000 euros, une niche », rapporte avec regrets Yves Bonnefont. Le mythe ne s’installera pas par le haut, mais par le milieu. Attendue par ses actionnaires, ce sera la sécurité avant tout. Avec son SUV, ou « 4x4 de ville », la marque attaque « le segment en plus forte croissance ». C’est la catégorie qui a relancé Porsche en 2002. Un acte osé qui a entraîné les plus belles griffes : Jaguar, Maserati et même bientôt Ferrari. Voyant le succès des SUV, les Allemands déclinent à l’envi ce format à toutes les sauces. Une voie qu’empruntera aussi DS. Le SUV, c’est aussi le segment le plus en vogue en Chine, où le Français compte réaliser un tiers de ses ventes internationales. « Le cahier des charges tient compte des clients chinois, qui attendent de grands écrans, de la connectivité, et un habitacle très silencieux », abonde Yves Bonnefont. Avec des niveaux de finition intérieure baptisés « Bastille », « Faubourg » ou encore « Opéra », les intentions de DS sont cousues de fil blanc. Ces images d’Epinal du luxe parisien sont d’ailleurs au centre de la publicité de 60 secondes diffusée en TV depuis le 4 février.
Opération séduction
Cousu main par La Maison, l’agence du groupe Publicis attitrée à DS, le clip se déroule de nuit dans les rues de Paris. On y aperçoit le véhicule traversant des lieux emblématiques : tour Eiffel, pyramide du Louvre et même fondation Vuitton. La version officielle dresse un parallèle entre ces « monuments audacieux » et la nouvelle signature, « De l’audace naît l’excellence », mais dur de ne pas voir la marque faire du pied aux clients chinois. Le thème musical ? La Marseillaise jouée en mineur. « Nous aurions pu nous dire que c’est un cliché, mais nous avons interrogé les clients français du marché premium, et ils nous ont dit que c’était fédérateur et que cela dénotait une fierté nationale, ce qui est dans l’air du temps », souligne Arnaud Ribault, directeur marketing et vente de DS. À y regarder de plus près, ce film emprunte bien moins aux codes de l’auto que du parfum. En tournant de nuit, l’agence a trouvé comment mettre en lumière la signature lumineuse de la DS 7, autrement invisible.
Pleins feux
Les feux, c’est l’un des éléments identitaires de la marque, comme la calandre « DS Wings ». Un marqueur indispensable – à l’instar des « deux naseaux » de BMW – pour installer une image de marque. « La face avant d’une voiture est ce qu’il y a de plus important car c’est son visage », compare Thierry Métroz, directeur du style de DS Automobiles. Yves Bonnefont estime qu’il faut quinze ans pour créer une marque. « Cela correspond à deux cycles de vie, la découverte puis la crédibilisation ». DS s’appuie sur 400 points de vente pour distribuer son auto. Chacun est équipé d’un système de réalité virtuelle permettant de configurer le véhicule à la volée – la personnalisation est un attribut du luxe au même titre, désormais, que l’électrique, envisagé sur les six véhicules que comptera à terme la gamme. Quand est-ce que le pari sera gagné pour DS ? Le directeur de la marque scrute deux indicateurs. Primo, le « pricing power », soit la capacité des clients à dépenser autant pour une DS 7 que pour un modèle concurrent – tenu secret, mais probablement allemand. Secundo, le taux de conquête, histoire de vérifier que PSA ne cannibalise pas ses ventes, et touche bien une nouvelle frange du marché. Mais le signal le plus fiable de désirabilité, hors des radars, est peut-être le nombre d’enfants rêvant d’avoir une DS quand ils seront grands.