À l’occasion de son grand événement annuel, qui s’est tenu pour la première fois à Paris les 8 et 9 juillet, Twitch a organisé plusieurs conférences sur la santé mentale, l’inclusivité et la diversité, des sujets qui touchent particulièrement le monde des streamers. Stratégies y était.
Les 8 et 9 juillet derniers, la TwitchCon, le grand événement organisé chaque année par la plateforme Twitch, s’est implantée à Paris, une première. Durant deux jours, streameurs, streameuses, gamers et gameuses se sont réunis porte de Versailles pour cet événement international, qui proposait de nombreuses activités autour de l’univers de la plateforme. Au programme également, des conférences abordant les sujets de santé mentale, d’inclusivité et de diversité. Des thématiques plus que d’actualité pour sensibiliser et éduquer les streamers à l’heure où le sexisme règne fortement dans l’univers du gaming. En effet, 40 % des joueuses confient avoir déjà été victimes de comportements, d’insultes ou de menaces à caractère sexiste ou sexuel lors de leurs échanges en ligne. Plus d’une joueuse sur trois (37 %) rapporte même avoir déjà fait l’objet de menaces d’agression à caractère sexuel, rapporte l’étude Ifop pour GamerTop, publiée en avril dernier.
Une conférence sur le cyberharcèlement a ouvert la deuxième partie de la matinée du samedi 8 juillet. Animée par les streameuses Kyria et Irisvel, cette conférence a permis à plusieurs intervenantes de s’exprimer sur le sujet. Parmi elles, Eulalie Deneuville, juriste spécialiste des droits des femmes, et Laure Raynal, psychologue. « La dimension genrée du cyberharcèlement est très forte, les femmes sont 27 fois plus touchées que les hommes », indique l’une des co-hosts, citant une enquête Ipsos parue en 2021. Hommes et femmes touchées par ce type de persécution ne s’en sortent pas indemnes : 88 % des victimes disent avoir eu des troubles anxieux et dépressifs, 80 % rapportent un impact sur leur santé mentale, et 78 % souffrent d’insomnies. L’un des impératifs soulignés par les invitées : ne pas rester seul(e).
Être une femme sur Twitch
Un peu plus tard dans la journée, Stratégies a rencontré une streameuse qui a souhaité rester anonyme pour avoir vécu du cyberharcèlement. Elle explique qu’il est possible de s’y préparer en amont d’un live : « Quand on voit que la situation s’envenime, on peut changer le chat et le passer en différents modes avec uniquement les followers, sub only, ou autoriser uniquement des commentaires sous forme d’émojis pendant la durée de notre choix. Il y a la possibilité de masquer des mots qui seront interdits d’utiliser ». En cas de remarque ou d’insulte déplacée durant un live sur Twitch, la streameuse donne le conseil de bien enregistrer ses rediffusions et de les envoyer à la plateforme avec les times codes. « Ils répondent sous 24h-48h », détaille-t-elle.
Ce type de comportements a aussi des effets sur le travail des streamers. « On fait un métier du divertissement, et quand on sait qu’on va se faire insulter avant même de lancer un stream, ça nous empêche de le réaliser. Même nos viewers peuvent quitter le live parce qu’ils n’ont pas envie de voir la personne se faire harceler », complète-t-elle. C’est une réalité pour nombre d’entre elles : 41 % des femmes disent se restreindre pour éviter de se faire cyberharceler. C’est le cas de Elwying, streameuse depuis un an, qui a fait le choix de ne pas se montrer ni de mettre son micro pendant ses lives. « Je n’avais pas envie de me formater, j’ai une amie qui a dû arrêter les lives à cause du harcèlement qu’elle subissait. J’ai une petite communauté qui rassemble principalement des amis, mais j’ai déjà eu un commentaire qui s’étonnait du fait que je sois une femme », a-t-elle expliqué.
S’affirmer en tant que personne noire
Dans l’après-midi, le collectif Melanin Gamers et l’association Afrogameuses ont animé une conférence sur « Naviguer sur Twitch en tant que streamer noir ». L’occasion de parler des difficultés qu’ils et elles rencontrent sur la plateforme en tant que personne de couleur. « Avant qu’Afrogameuse ait été créée (ndlr : association réunissant les femmes et des minorités de genre Afro, créée en 2020), je me sentais particulièrement seule. J’ai ensuite commencé à contacter des personnes de la communauté pour construire un espace ensemble plutôt que chacun de notre côté », raconte celle qui se présente comme invincible Jane au micro. Ces deux dernières années, de plus en plus de streamers noirs font état du racisme qui règne sur la plateforme et qui n’est pas assez pris en compte selon eux.
« On se dit qu’on va passer du bon temps en lançant un live, et puis d’un coup une personne au nom raciste arrive dans le chat. Parfois, on a déjà peur avant même de commencer le stream. Une fois, j’ai même reçu un commentaire raciste et sexiste qui disait "retourne à la cuisine et prépare-moi un mafé" », poursuit-elle. Pour le collectif Melanin Gamers, il est plus que nécessaire d’éduquer les gens à l’école, à l’université, insiste Creatively Anzy. « Twitch a un rôle à jouer, nous avons besoin d’être davantage soutenus et d’avoir des solutions pour faire face à ça », ajoute-t-elle. Twitch a mis en place en novembre 2021 une intelligence artificielle du nom de « Suspicious User Detection » (« Détection d’utilisateur suspect » ), censée intercepter les harceleurs multirécidivistes qui reviennent sous un autre compte, une IA toutefois pas assez performante, selon beaucoup de streamers.
Mettre avant la communauté LGBTQIA+
« Streamereuses LGBTQIA + et inclusivité en ligne, avec le soutien de NYX Professional Makeup. » Cette conférence a réuni plusieurs acteurs et actrices de la plateforme, qui ont livré leur témoignage en tant que personne queer. « À une heure où la haine contre les LGBTQIA + s’aggrave de plus en plus (en cinq ans, les violences anti-LGBTQI + en France ont doublé, selon un rapport du ministère de l’Intérieur publié en 2022, ndlr), il est important d’avoir des conversations dans les communautés pour travailler ensemble. Twitch permet d’être un échappatoire puisque dans certains pays du monde, il nous est impossible d’être nous-mêmes », affirme Ebonix. Les tags permettent aux utilisateurs et utilisatrices de renseigner « LGBTQIA + » pour les streamers qui souhaitent gagner en visibilité et pour les spectateurs qui souhaitent les soutenir.
Pour conclure cette première journée du TwitchCon, un spectacle de drag queens a été organisé, mettant en avant les talents de la plateforme. C’est la troisième fois que la TwitchCon conçoit un événement dédié à cet art. Présenté par la française Aquila Leek et Aubrey Wodonga, cet événement a vu défiler des reines du Royaume-Uni, Brésil, Belgique et France, chacune ayant pu montrer ses talents de scène, et parler de son contenu sur Twitch et de ses jeux préférés. Une façon pour le service de streaming vidéo de montrer son engagement et son envie de faire progresser les mentalités.