À Strasbourg, les eurodéputés ont approuvé le AI Act, projet de régulation de l’intelligence artificielle européen, même si des désaccords persistent avec la Commission. À Vivatech, Emmanuel Macron a annoncé différentes mesures pour développer encore l’IA dans l’hexagone.
Deux salles, deux ambiances. À Strasbourg, les eurodéputés ont approuvé mercredi 14 juin un projet européen de régulation de l’intelligence artificielle (IA), ouvrant la voie à une négociation avec les États membres pour finaliser ce texte qui doit limiter les risques des systèmes de type ChatGPT. « Ce sont des moments historiques, car c’est une première mondiale », a réagi la commissaire européenne Margrethe Vestager, qui a porté le texte avec son collègue Thierry Breton.
La législation n’entrera cependant pas en application avant 2026. Le Parlement européen a réclamé de nouvelles interdictions, comme celle des systèmes automatiques de reconnaissance faciale dans les lieux publics. Mais la Commission voudrait autoriser son usage par les forces de l’ordre dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Le sujet devrait nourrir les débats avec les États membres qui refusent l’interdiction de cette technologie controversée.
L’Union européenne espère conclure avant la fin de l’année le premier règlement au monde visant à encadrer et protéger l’innovation dans l’intelligence artificielle, un secteur stratégique dans la compétition économique.
Bruxelles avait proposé il y a deux ans un projet ambitieux, dont l’examen a été retardé ces derniers mois par les controverses sur les dangers des IA génératives capables de créer des textes ou des images, et notamment l’essor des modèles de type ChatGPT.
Le Parlement européen, lui, a adopté mercredi sa position lors d’un vote en séance plénière à Strasbourg. Dès la fin de journée, des négociations doivent commencer avec les États membres pour trouver un accord final. Thierry Breton a appelé à conclure le processus dans « les prochains mois ».
Urgence
« L’IA soulève de nombreuses questions - sur le plan social, éthique et économique. […] Il s’agit d’agir vite et de prendre ses responsabilités », a-t-il déclaré mercredi. Estimant qu’il y avait urgence alors que les mesures ne prendront pas effet avant 2026, Thierry Breton et Margrethe Vestager ont annoncé leur intention d’obtenir des engagements volontaires des entreprises aussi vite que possible.
De son côté, Emmanuel Macron, très attendu à Vivatech pour ses annonces sur le secteur, a présenté plusieurs mesures lors de son entretien avec quatre entrepreneurs. Interrogé par Arthur Mensch, l’un des fondateurs de Mistral, qui a levé 105 millions d’euros, et qui veut devenir un champion français du secteur, à propos de la régulation qui pourrait brider l’innovation, le président a assumé un « en même temps, voué à réguler autant que permettre d’innover. » Son objectif est de se « resynchroniser avec les États-Unis et la Chine » estimant qu’on a trop de retard, même si la France est bien placée en Europe.
Il veut ainsi « accélérer les formations, en misant sur la chance que l’on a en France, d’avoir des talents. Mais on doit faire beaucoup plus. Il faut donc doubler le nombre de formations, et obtenir cinq à dix IA Clusters, pour obtenir deux à trois champions aux niveaux mondial. »
Le président veut également rattraper le retard français en capacité de calcul, en investissant à court terme 50 millions pour quadrupler les capacités du supercalculateur Jean Zay. Il compte aussi investir 250 millions d’euros dans le supercalculateur exascale européen. Le président a également rappelé l’avantage du nucléaire en termes d’énergie pour nourrir ces calculateurs et a affirmé continuer à insister là-dessus.
Il a précisé également la problématique des bases de données, plus fermées qu’ailleurs dans le monde. « Nous devons éviter les biais anglo saxons dans les modèles. Il nous faudra donc réfléchir à des bases de données françaises qui permettront d’aller plus vite et mieux dans la formation autour de l’IA », a-t-il ajouté. Il a insisté sur les bénéfices à la communauté et prend ainsi l’exemple de l’immigration, dans lequel l’IA pourrait permettre « traiter les demandes plus rapidement, car nous n’avons pas de désaccords sur les principes. »
Concernant la régulation, il a annoncé qu’il ne fallait pas être « trop rigide » sur le sujet, évoquant la décision prise par les eurodéputés. « Nous devons avoir une régulation souple, afin qu’on travaille avec les grands groupes dans un travail partenarial. Nous devons aussi accélérer les projets Open Source, qui pourront permettre de réguler, à condition d’avoir nos propres modèles. » Mais il a insisté sur le besoin de mettre « des limites » et de réguler des « cas limites » comme indiquer le critère d’artificialité ou non des créations des IA.