Quels contenus consomment les jeunes sur internet ? Zoom sur quatre communautés révélatrices des intérêts et préoccupations de la génération Z, ces «digital natives» nés entre 1997 et 2010. Un article également disponible en version audio.
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- #witchtok
« Matcher avec le bon signe astro », pouvait-on lire cet hiver sur l’une des affiches de la dernière campagne de Tinder, conçue par l’agence Mischief. Cette publicité mondiale s’adressait à la Gen Z, réputée particulièrement sensible à l’ésotérisme, une appétence allant au-delà du simple divertissement. En effet, les jeunes seraient bien plus réceptifs aux parasciences que leurs aînés. « Alors que près des deux tiers des jeunes (61 %) croient en au moins une discipline de mancie, ils sont seulement 39 % parmi les seniors », note une récente étude de la Fondation Jean-Jaurès menée avec l’Ifop. « L’astrologie permet de se raconter, de construire son identité, d’être reconnu dans son unicité », remarque Pauline Gibert, planneuse stratégique chez Herezie. « Mercure rétrograde » serait même devenue une expression populaire pour se réconforter lors d’un passage à vide. On peut aussi citer Prime Video, qui a saisi cette résurgence new age et a lancé Cosmic Love cet hiver, une émission de téléréalité sur la compatibilité amoureuse présentée par Nabilla. Pour Pauline Gibert, les nouvelles spiritualités livrent également à la Gen Z une forme d’espoir « dans un climat d’incertitudes, de crises de repères et de sens », analyse-t-elle.
Sur les réseaux sociaux, ces spiritualités forment une nébuleuse qui englobe aussi bien l’astrologie, la tarologie ou même la croyance dans le pouvoir des pierres avec, par exemple, des comptes comme @Astrokiff ou @Astrotruc sur Instagram et les thèmes astraux de la youtubeuse Shera Kerienski. Côté chiffres, les hashtags #astrology et #witchtok explosent, respectivement à 58 et 42 milliards de vues sur TikTok. Pauline Gibert relate aussi l’existence du phénomène #starseed (1,2 milliard de vues sur TikTok), dont @mysticmamaq est l’une des figures. La jeune femme se présente comme « une vieille âme qui vient de la constellation Lyre, ce qui fait d’elle une star seed, c’est-à-dire un être stellaire incarné sur Terre », relaie la planneuse.
- Gender-neutral beauty
Observateur de la Gen Z, Adrien Moret, head of creative strategy de Helmut, agence de communication spécialisée dans le secteur du luxe, voit quant à lui monter le phénomène de la beauté chez les consommateurs masculins sans que n’y soit associé un militantisme LGBTQIA +. « Si auparavant les jeunes hommes ne se maquillaient pas, ou piquaient en cachette le fond de teint de leur copine, désormais ce n’est plus aussi genré. On voit apparaître des créateurs de contenus masculins sur le make up et le skincare », assure-t-il.
La tendance est portée, selon lui, par des célébrités comme le chanteur Harry Styles, dont la marque de cosmétiques Pleasing, marketée comme non-binaire et lancée à l’été 2021, a été un vrai succès commercial. D’après Adrien Moret, le hashtag #menskincare serait d’ailleurs en progression. « Il y a un passage de relais qui s’opère entre les femmes et les hommes sur le sujet de la beauté », estime-t-il. Ainsi, sur TikTok, les influenceurs beauté qui montent sont Fabian, du compte @fabiancrfx (3 millions d’abonnés), ou encore Eden, du compte @jardin_d_eden (390 000 abonnés).
- Jomo
« Chacun s’est retrouvé enfermé chez soi durant la pandémie, le rapport au temps s’en est trouvé modifié. Tout est devenu plus lent. Confinés, les jeunes ont arrêté de courir après les événements. Et certains continuent d’assumer de ne plus avoir envie de sortir le samedi soir. Le Fomo (Fear of missing out) a laissé place au Jomo (Joy of missing out) », constate Alexis Barry, directeur artistique de l’agence Double 2. Pour un alcoolier, l’agence de communication s’est demandé comment capter les jeunes. « Dans nos observations, on s’est aperçu que beaucoup s’intéressent aux loisirs de « vieux » comme le soin des plantes, la poterie, la pêche, l’observation des oiseaux ou encore le tricot. Ces activités qui étaient auparavant ringardes sont dorénavant perçues comme très cool », poursuit Alexis Barry.
Il prend en exemple le compte de deux jeunes pêcheurs sur Instagram (@bar.d.ecume_officiel), suivi par 44 000 personnes. Alexis Barry cite aussi @superlumos, un jeune créateur de contenus qu’il juge représentatif de la « slow life ». En effet, le jeune homme profite de plaisirs simples, comme se faire un café glacé, cuisiner un cheesecake ou se faire couler un bain. Des moments de vie en solitaire qu’il partage avec ses 767 000 abonnés sur TikTok, agrémentés, en voix off, de pensées positives.
De cette tendance au Jomo découle aussi le grand retour des loisirs créatifs, des « activités relaxantes grâce auxquelles on sort de l’urgence et de l’injonction à la productivité », commente Alexis Barry. Dans le genre, on peut citer @alichuree (176 000 abonnés), qui publie ses créations sur Instagram, des objets de décoration DIY. Cette tendance au Jomo est aussi corrélée à une plus grande vigilance de la Gen Z sur les sujets de santé mentale. D’après un rapport de Spotify, la santé mentale était le premier thème des podcasts écoutés par les jeunes en 2022.
- #fintok
« Les études le prouvent, la génération Z est plus instruite financièrement que toute autre génération. Cette jeunesse apprend sur les réseaux sociaux. Elle investit et épargne différemment des autres générations », avance Cécile Oumansour, creative strategist de l’agence Mozoo, qui a travaillé sur la question pour LCL, qui a confié à l’agence sa stratégie d’influence pour toucher une cible jeune. Selon Cécile Oumansour, cette communauté se structure autour de nouveaux experts, des créateurs de contenus comme @masdak_trading (2,6 millions d’abonnés sur TikTok), @charlessterlings (916 000 abonnés) ou encore @geretonbudget (80 000 abonnés), et d’une audience qui s’informe essentiellement sur les réseaux sociaux. Parmi les trends de cette communauté, on peut citer la gestion de budget avec des enveloppes. Et preuve de cet engouement pour la question financière, sur TikTok, les hashtags #fintok et son cousin #stocktok enregistrent chacun plus de 3 milliards de vues.